Transfiguration du Seigneur année A 2023

Chers frères et sœurs,

Par cette fête de la Transfiguration du Seigneur, on entre dans une sorte de « carême d’été ». On pourrait dire un carême glorieux ! Parce que dans 40 jours, c’est la fête de l’Exaltation de la Croix, qu’on appelle aussi la fête de la Croix Glorieuse. Ce petit carême d’été devient donc une période propice à la méditation sur la gloire de la croix, et son importance dans notre foi chrétienne. Elle est le symbole central de la rédemption, et donc l’occasion de travailler la question du Salut. Et puis entre la Transfiguration et la Croix Glorieuse, ce carême est marqué par un côté lumineux et positif ! Alors, pour le rendre encore plus saillant, on peut se rapprocher de l’expérience de Pierre, Jacques et Jean.

Pourquoi Pierre, Jacques et Jean ? Pourquoi Jésus choisit-il ces 3 Apôtres ensemble, et pas d’autres. Ça m’a travaillé… Pour certaines choses, il appelle seulement Pierre et Jean, qu’on peut considérer comme ses deux meilleurs amis. Mais pour d’autres épisodes comme celui de la pêche miraculeuse, il y a aussi André et Jacques, les frères respectifs de Pierre et Jean… Et puis ils sont tous les 4 associés dans leur entreprise de pêche. Alors pourquoi avoir fait un trio avec Jacques (ou sans André selon le point de vue) ? C’est une question qui reste mystérieuse… Pourquoi : on ne sait pas, et on ne va pas se lancer sur des théories.

Par contre, on peut noter qu’ils vivent trois épisodes particuliers avec Jésus. Le petit point intéressant à creuser est plutôt dans ce sens… à trois reprises, Jésus les invite tous les trois pour vivre un moment unique et intense avec lui :

  • La résurrection de la fille de Jaïr ;
  • La Transfiguration ;
  • L’agonie au jardin des oliviers.

Dans ces histoires, Jésus les prend à part. D’abord pour constater la résurrection de la fille de Jaïr, dans sa chambre, accompagnés de ses parents. Puis il les emmène à part, dans la montagne pour y être transfiguré. Et plus tard, il les invite à part pour veiller et prier plus profondément dans le jardin de Gethsémani, pendant sa Passion. Ces étapes permettent une montée en puissance de la relation avec Jésus. Et à les relire, elles permettent aussi de travailler 2 choses chez les Apôtres de Jésus, et par conséquent chez nous aussi : les vertus théologales et la place de l’Église dans le monde

Les vertus théologales

Comme vous le savez, elles sont au nombre de trois, avec la foi, l’espérance et la charité. L’expérience de cette résurrection de la fille de Jaïr montre que du côté des croyants, les juifs, la foi a besoin d’être développée pour croire ce qu’ont commencé à annoncer les prophètes : la résurrection.

Pendant l’épisode de la Transfiguration, Jésus veut faire entrer ses disciples dans l’espérance du Ciel. Non seulement ils ont vu une résurrection temporelle avec la fille de Jaïr, mais en plus ils font l’expérience privilégiée, pendant quelques instants, d’une résurrection éternelle avec Jésus, Moïse et Elie dans leurs corps glorieux et définitifs !

Enfin, à Gethsémani, Jésus leur enseigne la charité en leur demandant de s’occuper de leur premier pauvre : lui-même. Une charité qui consiste à veiller et prier auprès de lui. Rien d’extraordinaire. Mais au cœur de la nuit et de l’angoisse, ils sont appelés à communier à la souffrance du Christ. Le fait qu’ils s’endorment montre que la charité véritable nous est difficile, et qu’elle est un don de Dieu.

Place de l’Église dans le monde

Par le fait que Jésus appelle trois Apôtres, et que ces évènements soient reportés dans l’Évangile, on a un enseignement à en tirer sur la place de l’Église dans le monde, et sur notre mission de chrétiens dans nos familles et notre société. Chacun de ces 3 épisodes nous donne à méditer sur une vocation particulière. On peut dire que l’Église a trois vocations différentes et complémentaires.

D’abord, elle a une vocation expressive pour manifester des signes prophétiques. Jésus envoie ses disciples deux par deux pour chasser les démons, guérir les malades et proclamer l’Évangile du Royaume. C’est le signe ostensible et expressif de la résurrection de la fille de Jaïr. L’Église a aussi une vocation contemplative pour faire advenir petit à petit le Royaume de Dieu dans le monde. C’est l’expérience des Apôtres sur la montagne, face aux corps glorieux transfigurés devant eux. Et puis elle a une vocation compatissante pour être de ceux qui soutiennent les personnes qui souffrent dans l’obscurité, dans la nuit de ce monde. C’est l’intense nuit de la Passion pendant son agonie au jardin des oliviers. L’Église a une vocation à l’expression, à la contemplation et à la compassion.

Conclusion

Pendant ce carême glorieux, qu’ouvre la fête de la transfiguration, on est invité à approfondir l’espérance et le désir du Ciel. C’est une question qui doit stimuler notre désir intérieur le plus profond. Après quoi est-ce que je cours toute l’année ? Quel est le sens de mon existence ? Qu’est-ce que je cherche dans mon cœur ? Ce qui nous habite en filigrane, c’est cette question de l’immortalité de l’âme, du bonheur qu’on peut déjà trouver dans ce monde, et qu’on espère parfait dans l’autre… C’est un désir révolutionnaire à transfigurer. Et comme le dit Emmanuel Mounier : « Toute révolution qui ne s’accompagnera pas d’une transfiguration mourra de sa mort. »

Au final, c’est une forme de petite retraite joyeuse qui nous est proposée. Une petite retraite pour libérer la joie intérieure en contemplant le mystère de notre rédemption dans la Transfiguration de Jésus, et dans son triomphe glorieux sur la Croix.

Amen.