6ème dimanche du temps pascal année B 2024

Chers frères et sœurs,

Ce dimanche est appelé dimanche de l’expansion missionnaire. Alors, j’aimerais en profiter pour parler un peu de mission… Quand on y fait attention, le thème de la mission est une petite ritournelle dans toutes les prises de parole de notre archevêque… Et ça ne lui vient pas de nulle part !

Dans la 1ère lecture, on a une expérience de ce qu’on appelle le kérygme : « Pierre parlait encore quand l’Esprit Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la Parole. » C’est très simple, c’est une expérience d’annonce de l’Evangile avec ses tripes, son vécu. Et alors que St Pierre parle avec toute sa foi, l’Esprit Saint se rend présent non seulement dans le cœur de ceux qui écoutent pour qu’ils fassent l’expérience du Ressuscité, mais aussi dans le cœur de l’Apôtre qui annonce, pour que lui aussi soit illuminé de la joie de la Résurrection. C’est une double rencontre, et ça provoque un effet comme celui des disciples d’Emmaüs qui sentent leur cœur brûler alors que Jésus leur parle des Ecritures ! Et c’est ce qui fait dire au pape François sa fameuse petite phrase qui marque le programme de tout son pontificat : « La joie de l’Evangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent Jésus. » Ce que Mgr Jordy ne cesse de redire à chaque fois qu’il s’exprime…

Petit retour sur le pontificat du pape François qui conduit à une conversion missionnaire. Depuis maintenant une dizaine d’années qu’il est aux commandes de l’Église catholique, on a un peu de recul pour comprendre la direction qu’il souhaite lui donner. Derrière l’image médiatique qu’on lui fait porter et qui n’est pas toujours très juste, il y a une tout autre réalité. Dans l’Église, on réfléchit et on construit sur le temps long. Donc on peut se faire un avis vraiment fondé à partir des écrits qu’il a publiés, notamment les encycliques et les exhortations apostoliques. La première, c’est Evangelii Gaudium, une sorte de manifeste de sa vision. À travers elle, et les autres textes qui ont suivi, il cherche à questionner le sens de l’Église dans le cœur de chacun. C’est d’ailleurs l’objectif du synode sur la synodalité qui n’est pas encore terminé. Il souhaite passer de l’esprit de consommation dans une Église structurelle à l’implication personnelle dans une Église locale et fraternelle. Autrement dit, le pape François ne cherche pas tant à changer la structure et l’enseignement de l’Église qu’à changer la manière de la percevoir. La plus grande réforme qu’il souhaite mettre en œuvre, c’est la réforme du cœur de chacun pour assumer pleinement sa mission de baptisé. L’Église catholique, ce n’est pas d’abord une grosse machine mondiale, c’est la communion d’une multitude de petites réalités très locales, à commencer par les familles. Et l’évêque de Rome qu’on appelle le pape, est garant de l’unité de cette belle diversité de petites communautés.

C’est en quelque sorte le changement de paradigme du concile Vatican II qu’il souhaite activer. Ceux qui ont contribué au Concile ont voulu retourner à la source des premiers siècles pour puiser dans les racines de l’histoire de l’Église une vigueur nouvelle. Et dans les sources les plus anciennes qu’on a, il y a les Actes des Apôtres. Dans les quelques étapes qui marquent l’édification de l’Église naissante, l’une d’entre elle est très claire, elle consiste à se retrouver par petits groupes dans les maisons des uns et des autres. Et l’étape d’après, c’est d’être assez accueillant pour que le groupe grandisse continuellement au point de devoir le scinder régulièrement. C’est tout simplement le processus vital de reproduction des cellules en biologie.

D’où la révolution du concept de paroisse dans notre vieille Europe, ce qui bouleverse un peu les manières de faire… Des paroisses qui fusionnent en permanence pour survivre tant bien que mal en maintenant des structures énergivores, ce n’est pas vraiment évangélisateur ! Le but est d’abord de retrouver de la vitalité en recommençant les petites cellules ecclésiales. Et ce qui est encourageant, c’est qu’on n’a pas attendu le pape François pour le faire… Les petits groupes qui se réunissent autour des livrets de Lectio Divina, de mouvement de spiritualité conjugale, de partages divers et variés, sont des expériences ecclésiales très importantes qui alimentent la vigueur d’une paroisse !

L’étape suivante, c’est l’ouverture de ces groupes. Est-on capable d’accueillir régulièrement des nouveaux ? C’est sans doute le challenge le plus important du pape François, notamment à travers son encyclique Fratelli tutti. Il nous invite à prendre le virage d’une révolution fraternelle. Là encore, rien de nouveau sous le soleil, c’est ce qu’on a entendu avec St Jean dans sa lettre et son Évangile : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. » « Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. » Et dans l’encyclique, ça va très très loin ! Pour cultiver une véritable fraternité universelle, ça veut dire qu’on doit apprendre à composer avec chacun, reconnaître les différences culturelles comme des richesses, reconnaître la souveraineté des nations, bien appréhender la notion de liberté, développer des partenariats, instaurer une culture de la vie, mesurer les appétences de pouvoir et de structures internationales, etc. Et cette culture de la fraternité, elle commence devant sa porte avant d’aller à l’autre bout du monde. Pas besoin d’une structure mondiale ou paroissiale pour prendre soin de ses voisins isolés, pour être vecteur de paix dans sa famille et son quartier, pour provoquer la convivialité et développer le vivre-ensemble.

Au final, cette expansion missionnaire, elle est vitale ! C’est ce que j’essayais d’exprimer dans la petite présentation pendant de la rentrée paroissiale. N.D. du Cher est une très belle paroisse qui a beaucoup de ressources et une vigueur encourageante. Mais au vu du virage que l’Occident prend, on a besoin d’une profonde remise en question ! Ce dimanche tombe donc à point nommé pour qu’on s’astreigne à quelques interrogations : Est-ce que je participe à un groupe fraternel ? Depuis combien de temps n’ai-je pas salué une nouvelle personne dans la communauté paroissiale ? Est-ce que je suis vraiment impliqué dans la vie de la communauté et les projets locaux ? Quel est mon lien avec mes voisins les plus proches ? etc.

Chers amis, tout part de la Résurrection. Si Jésus-Christ est vraiment ressuscité, si on en a fait l’expérience dans l’Évangile, si on a véritablement reçu la grâce au baptême, si on est devenu frère et sœur de Jésus, alors on doit avoir le cœur tout brûlant, on doit libérer cette force intérieure, on doit sentir la puissance de l’Esprit-Saint qui pousse au témoignage, on doit avoir l’audace d’un regard nouveau sur le monde et sur l’Église. Aujourd’hui, 6ème dimanche de Pâques, il est encore temps de rencontrer le Ressuscité et de le laisser bouleverser notre existence !

Amen. Alléluia !