2ème dimanche du temps pascal année B 2024

Hier, un copain motard m’appelle. Après un long arrêt médical, et après s’être acheté une nouvelle moto, il a voulu me raconter sa 1ère sortie dans laquelle il a arpenté les routes de Touraine les plus belles. J’ai senti que son enthousiasme de départ diminuait au fil du récit, pour la simple raison qu’il n’arrivait pas à relater l’intensité du bonheur ressenti, faute de vocabulaire pour l’exprimer.

Il me semble qu’après la Résurrection de Jésus, il se passe un peu la même chose avec les disciples… Avez-vous remarqué que leur témoignage n’est pas suffisant pour que Thomas ait la foi ? Comme Marie-Madeleine, comme les pêcheurs au bord du lac, St Thomas aura besoin d’une conversion intérieure profonde, alors même que Jésus est réellement présent devant lui. Le fait d’entendre le récit des autres, ou même de voir Jésus en face et de lui parler, n’est pas suffisant. La foi a besoin de la raison et de la volonté réunies.

Ce dimanche de la miséricorde est donc une opportunité particulière pour tous ceux qui ont « perdu la foi », ceux qui sont sortis sur la pointe des pieds faute de ne plus trouver la vigueur spirituelle d’antan. La foi est don de Dieu et réponse de l’homme. Et bien qu’elle soit difficilement palpable, elle se mesure concrètement par au moins 3 moyens…

  • La charité fraternelle

Dans les Actes des Apôtres, tout est merveilleux : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme. » Et : « Aucun d’entre eux n’était dans l’indigence. » Ça ne veut pas dire qu’on était chez les Bisounours et que tout était facile. Ça veut simplement dire qu’on faisait le nécessaire pour être attentif à chacun…

Pour autant, le fait qu’on chante Alléluia le dimanche les uns à côté des autres, ne veut pas dire qu’on est tous copains et qu’on devrait vendre tous nos biens pour vivre ensemble ! La charité fraternelle inspirée par le Seigneur, c’est d’être capable de s’estimer de la même famille chrétienne les uns, les autres. La charité fraternelle, c’est avoir le courage de dire ce qui ne va pas, autant que d’avoir le courage de passer au-dessus de nos différences qui ne sont pas si importantes à l’église. Il n’y a que la foi qui nous permet de faire miséricorde au point de ne pas juger l’autre et de l’estimer supérieur à soi-même. Quand on remarque la paille dans l’œil du voisin, c’est une belle occasion de favoriser le dialogue, ou la remise en question pour chercher où est la poutre dans notre œil.

  • La victoire sur le monde

C’est du St Paul. « La victoire remportée sur le monde, c’est notre foi. » Autrement dit, celui qui est vainqueur du monde, c’est celui qui croit que JC est fils de Dieu. Ce monde, il revient souvent dans le NT et dans le discours des derniers papes. C’est « l’ère du temps », c’est ce dont on s’accommode par facilité. Dans le langage spirituel, pour parler des choses du monde, on parle de mondanité. A contrario, pour parler de ce qui est de Dieu, on parle de sacré.

C’est toute la difficulté de notre vie chrétienne : être dans le monde sans être du monde. St Jean le redit maintes fois : Jésus est venu dans le monde, et il l’a aimé. Mais il n’était pas de ce monde. Il était de Dieu. Dans notre société en perte de sens et de repères, un débat interne à l’Église génère beaucoup de clivages entre ceux qui veulent conserver l’Église au chaud, dans une grande enceinte pour la préserver du monde ; et ceux qui veulent la montrer plus abordable en la rendant semblable au monde, au point qu’elle en perd sa saveur. Dans les deux cas, la référence c’est le monde et non plus Jésus-Christ. Or, d’après St Paul, la victoire se situe bien dans la solidité de notre foi en JC. Avec ça, rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu et de l’Église.

  • La vie dans l’Esprit-Saint

« Alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. » Une des plus grandes maladies spirituelles, c’est la peur ; parce que la peur est mondaine, elle fait perdre l’espérance. Mais la miséricorde de Jésus va jusqu’à venir au milieu de cette maladie pour la vaincre. Les disciples sont remplis de joie quand Jésus leur parle. La joie est un fruit de l’ES. Donc avant même qu’il ne leur transmette l’ES en plénitude à la Pentecôte, Jésus leur en fait déjà le cadeau juste après la Résurrection. Et ce qui est génial, c’est que l’évangéliste nous dit que « [ces signes] sont écrits pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom. » Autrement dit, la foi en Jésus-Christ donne la vie !! Elle permet de traverser n’importe quelle épreuve. La foi est source de vitalité et de fraîcheur spirituelle tant qu’on cherche à accueillir le Saint-Esprit.

Conclusion

Quand on sent la foi fléchir, on peut s’appuyer sur quelques fondamentaux concrets comme la vie de charité, la relation qu’on a au monde, ou même la vitalité de la vie spirituelle. C’est rassurant de voir qu’on ne part pas de rien ! Mais la foi s’enracine aussi dans le passé, dans la transmission d’une mémoire. C’est notre héritage juif : « Shema Israël » « écoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur, etc. » Écoute l’histoire de Dieu qui vient sauver l’humanité, écoute l’histoire de Dieu qui vient te chercher. La foi a besoin d’être nourrie par ce qu’on lui apporte. Relire la Bible, des vies de saints, un peu de théologie, ce sont des bons moyens pour lui redonner du contenu et de la vigueur.

Et puis la foi, c’est aussi une réponse mystérieuse de Dieu. C’est le passage de l’impossible de l’homme au possible de Dieu. Dans cette quête insatiable, Dieu vient à la rencontre de notre raison pour susciter l’adhésion de notre volonté. C’est tout simplement une rencontre amicale, une rencontre amoureuse. Puissions-nous demander au Seigneur, aujourd’hui et au long de cette semaine, d’expérimenter à nouveau cette révolution intérieure de la foi, une foi vivante.

Amen.