1er dimanche de l’Avent année B 2023

« Ce que je dis là, je le dis à tous : Veillez ! » Autant, dans la parabole, ce n’est le travail que du portier, on peut ne pas se sentir très concerné ; autant à la fin, c’est pour tout le monde. Et l’injonction est d’autant plus pressante que dans une traduction littérale, on peut entendre le début de l’Évangile de cette manière : « Prenez garde, chassez le sommeil ! »

Ça rejoint bien l’idée qu’on peut se faire d’une veille… chasser le sommeil avec une tasse de café bien chaud entre les mains, tourner en rond à petits pas lents, se laisser intriguer par les bruits qui percent le silence de la nuit, se noyer dans ses pensées arborescentes… En fait, veiller, c’est à la fois fatiguant et ennuyeux… Alors, qu’est-ce qu’il attend le maître de maison, parti en voyage ? Ça semble important puisque c’est le 1er thème du début d’année liturgique, thème qui est propre à St Marc… St Luc insiste plutôt sur la prière et St Matthieu développe le bon emploi de ses dons au service du Royaume.

À partir des lectures de ce dimanche, je vous propose un petit tour d’horizon sur ce qu’implique cette recommandation de veiller.

  • Déployer la grâce de Dieu

Veiller implique qu’on soit au courant de quelque chose d’important pour qu’on puisse y avoir une attention permanente. Alors, à propos de quoi faut-il qu’on soit vigilant en permanence ? La 1ère étape est plutôt passive, c’est le fait d’être conscient de la grâce de Dieu qui est déjà présente en nous depuis le baptême !

Mais la grâce implique aussi une action de notre part. Chez les hébreux comme chez les arabes, quand on salue quelqu’un, on lui souhaite la paix : Shalom en hébreu, et Salam en arabe. C’est ce que fait St Paul, mais en invoquant aussi la grâce de Dieu sur les disciples : « À vous la grâce et la paix, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ. ». Et comme si ça ne suffisait pas, il rappelle une certitude : « Aucun don de la grâce ne vous manque. » Autrement dit, la grâce de Dieu est déjà agissante depuis le baptême, et on peut la redemander en tout temps. Notre premier travail de veille consiste donc à croire fermement que la grâce nous précède, qu’elle est déjà active en nous, et qu’on a la mission de la répandre régulièrement autour de nous.

  • Convertir son cœur

Chez tous les grands spirituels, cette fameuse conversion, c’est un petit déplacement intérieur qui permet de lâcher prise et d’engager sa volonté. Isaïe a une curieuse manière de l’exprimer : « Tu nous as caché ton visage. […] Mais maintenant, Seigneur, c’est toi notre père. » À l’entendre, c’est comme si Dieu s’était caché, qu’on sifflait la fin de la récré, et qu’on refaisait la paix avec lui comme s’il ne s’était rien passé… ou comme si Dieu nous éloignait de lui pour mieux qu’on revienne vers lui ! Cette formulation étonnante qu’on retrouve aussi dans le Psaume, montre plutôt une première prise de conscience : on utilise mal la liberté donnée par Dieu.

Donc ce premier point de conversion, c’est de se rendre compte que Dieu est loin. Après, c’est de lui dire qu’on lui fait confiance, et d’entamer une réconciliation. On s’éloigne de Dieu et on lui demande de nous rejoindre là où on a sombré : « Reviens, à cause de tes serviteurs, des tribus de ton héritage. » La vigilance implique une remise en question permanente, donc une conversion du cœur.

  • Honorer son devoir d’état

Est-ce que ça vous est déjà arrivé de vous demander quelle était la volonté de Dieu sur un choix à faire ? J’imagine que cette question a déjà traversé l’esprit de tout le monde, et pas qu’une fois ! Dans la parabole de Jésus de ce dimanche, la réponse semble claire : ne rien faire de plus que ce qu’on est capable de faire. Le maître fixe à chacun son travail et demande au portier de veiller. C’est ce qu’on appelle accomplir son devoir d’état, et rien de plus. Un petit adage populaire le dit d’une autre manière : « à l’impossible, nul n’est tenu. » Et malgré l’accomplissement du devoir d’état, on serait quand-même capable de s’endormir puisqu’il donne la justification un peu vague : « il ne faudrait pas qu’il vous trouve endormis. »

À travers ce conseil, Jésus demande aux serviteurs d’accomplir ce qu’ils peuvent, en fonction de leurs charismes et compétences, et de bien se concentrer sur le sens de ce qu’ils font pour ne pas sombrer dans la routine. Le but commun est de garder une maison fonctionnelle, accueillante, et prête à recevoir le maître de la maison. C’est peut-être la vigilance qu’on peut avoir dans notre Église, voire dans notre monde… Ce serait quand-même dommage de manquer la venue du Seigneur, ou de ne pas accueillir ses invités…

Conclusion

Veiller, dans un sens large, c’est le fait de rester attentif et vigilant, plus que de s’abstenir du repos quotidien nécessaire. Cette vigilance que le Seigneur nous demande concerne deux facettes de notre mission de chrétien, à travers les serviteurs et le portier. Les serviteurs, à qui il a donné « tout pouvoir », sont missionnés pour accomplir des tâches précises. C’est notre devoir d’état, tout ce qui nous fait œuvrer au sein de la famille, des engagements divers et variés, du travail, de la société, pour « faire tourner la boutique ». Le devoir d’état, c’est le fait d’agir au service du bien commun.

Et puis il y a le travail de portier. Dans l’antiquité, le portier est certes celui qui filtre les entrées et assure la sécurité de la maison ; mais c’est aussi celui qui assume un rôle d’accueil et de messager. C’est notre fonction d’intercession dans le monde, d’annonce de l’Évangile, et d’accueil dans l’Église au nom du Christ. L’appel à la vigilance est donc double : donner du sens à notre devoir social, et donner de l’amplitude à notre devoir religieux.

Amen.

NB : la fameuse et incroyable traduction de Sr Jeanne d’Arc offre beaucoup à réfléchir, en nous ramenant, entre autres, à l’Evangile du Fils Prodigue… Je reconnais lui avoir emprunté un peu d’inspiration.