24ème dimanche du temps ordinaire année A 2023

Chers frères et sœurs,

Il y a quelques années, lors d’un covoiturage, au cours de discussions passionnantes, une personne m’a demandé si on pouvait tout pardonner. En couple avec quelqu’un de violent, et depuis un certain temps séparée, cette personne se demandait si elle n’était pas en train de déshonorer son engagement et d’aller à l’encontre de la volonté de Dieu. Dans ce genre de cas, une chose est de se protéger, et pardonner en est une autre ! Et entre pardonner une chose bénigne et une chose grave, ce n’est pas pareil non plus…

Le pardon est un processus dans lequel on ne peut pas faire l’économie du temps. Pour un pardon sincère, un pardon réparateur, c’est parfois même souhaitable de prendre son temps ! L’intérêt de la vie chrétienne est de faire le premier pas de ce long chemin afin de pouvoir un jour arriver à retrouver sa liberté intérieure pour aimer en vérité.

J’aimerais alimenter cette quête, en redonnant quelques points autour du pardon…

  • La colère et la haine

Ben Sira le Sage se pose la question de la pertinence de la colère « Si un homme nourrit de la colère contre un autre homme, comment peut-il demander à Dieu la guérison ? »

La colère est une émotion à laquelle on est plus ou moins sujette en fonction de nos différents tempéraments. Comme toutes les émotions, dans un premier temps, elle n’est ni bonne ni mauvaise puisque c’est une réaction naturelle face à un évènement. En revanche, c’est quand on transforme cette colère en sentiment que ça devient plus délicat. C’est là que Ben Sira montre toute sa finesse. C’est le fait de nourrir cette colère qui montre la manière dont on fait usage de la volonté. Est-ce que je choisis de laisser passer ce sentiment et de l’accompagner vers l’accalmie, ou bien est-ce que je l’entretiens ?

St François de Sales dit qu’il n’y a pas de sainte colère. La colère est toujours mauvaise parce qu’elle est incontrôlable comme une bête sauvage, et qu’elle est le terreau de la haine. Dès lors qu’on a la volonté d’alimenter cette émotion, on entre dans un sentiment qui évacue la charité en nous. En revanche, tant qu’elle reste contrôlée et qu’elle permet l’indignation face à l’injustice, par exemple, elle peut être le moteur pour pousser à une action positive et charitable.

  • L’offrande du Christ

En étant honnête, on peut dire que certains pardons ne sont pas humainement envisageables. Dur-dur de pardonner quelque chose de vraiment grave et destructeur. Saint Paul nous fait comprendre qu’il y a tout de même une possibilité en passant par la grande offrande du Christ sur la Croix. « Si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur. » De soi-même, on n’est pas toujours capable de pardonner… Mais en s’associant à la Passion du Christ, on accède assurément à sa Résurrection. Très concrètement, c’est quelque chose qui peut s’offrir pendant la messe. Parce que justement, au cours de la messe, nos intentions sont déposées sur l’autel où Jésus s’offre lui-même en sacrifice pour le pardon et pour la paix. Apporter spirituellement une rancœur, une colère, une blessure pendant l’offertoire, c’est lâcher ce poids pour le confier au Seigneur qui peut le transfigurer. On peut le faire dans le secret de son cœur, ou même l’offrir en intention de messe. Je peux vous garantir que j’ai vu des miracles en célébrant la messe pour des intentions aussi particulières que ça, dans des conflits de familles, et des blessures très difficiles à guérir.

  • La hiérarchie des dettes

C’est une manière de dire qu’entre nous, on a toujours la « dette de l’amour mutuel » que St Paul évoquait dimanche dernier.

La parabole du débiteur est très parlante. Parce que quand quelqu’un nous fait du mal, on a toujours cette dette de l’amour mutuel qui nous presse malgré tout… 60 millions de pièces d’argent, selon quelques experts, c’était une somme supérieure aux impôts de toute la Galilée. J’ai mené ma petite enquête financière, et selon les rares sources disponibles, cette somme vaudrait 600 millions d’€ actuels. On parle donc d’une dette insolvable pour un serviteur. On peut même se demander ce que ce gars a fait pour s’endetter d’une telle somme ! Selon les mêmes calculs, quand le serviteur va étrangler son collègue pour récupérer 100 pièces d’argent, c’est l’équivalent de 1000€ (ce qui semble déjà une dette plus normale). Deux poids, deux mesures… Il n’a rien compris ce serviteur !?!

Ce delta entre les deux dettes nous montre bien la différence entre la dette qu’on porte par le péché originel, et la dette qu’on cherche à faire payer aux autres en ayant tant de mal à pardonner. Imaginer ce qu’on doit au Seigneur, parfois même sans le savoir avec nos péchés collectifs, ça peut nous stimuler pour faire preuve de plus de miséricorde envers le prochain…

Conclusion

Pour demander le pardon, ça vient du cœur, il faut avoir une vraie contrition. C’est le pape François qui raconte une confession. La personne lui dit « j’ai fait un gros péché, mais je ne le regrette même pas ! » Le pape de lui répondre « Si vous ne regrettez pas, je ne peux pas vous donner l’absolution ! Pour qu’un péché soit pardonné, il faut le regretter… » « Oui, mais ça je n’y arrive pas. » « Est-ce que vous regrettez de ne pas regretter ? » « Ah oui ! ça, je regrette bien de ne pas arriver à regretter ! » « Alors je vous donne l’absolution. »

La contrition est nécessaire ! Et même plus que ça… C’est la miséricorde qui est essentielle ! L’enseignement des Écritures ce dimanche nous montre à quel point un cœur qui n’est plus capable de miséricorde est déjà mort. Quand bien même le pardon est difficile, il reste un chemin essentiel pour guérir, pour retrouver la vie et la charité. À nous de le méditer dans la prière du Notre Père qu’on est invité à dire chaque jour…

Amen.

NB : La conversion monétaire des deniers en pièces d’argent n’est pas chose aisée, et encore moins en euro… L’ordre de grandeur est respecté. En revanche, la précision n’est pas encore au rendez-vous ! Avec maintenant quelques outils historiques, et le croisement de plusieurs méthodes, je pourrai donner une côte plus affinée pour les prochaines conversions. C’est parfois avec des petits détails qu’on peut colorer l’Evangile d’une manière qui nous échappais jusqu’alors !