23ème dimanche du temps ordinaire année A 2023

Chers frères et sœurs,

Qu’est-ce qui engendre la dissymétrie dans les dialogues politiques, et dans les diverses branches de l’Église ? Si on a autant de fortes dissensions, c’est parce qu’on a du mal à se comprendre. Et on a du mal à se comprendre parce que du mal à communiquer. Pourtant, la communication, c’est la base de la propagation de l’Évangile dans le monde depuis deux millénaires ! J’ai lu un petit essai sur la révolution du numérique dans l’Église, et l’auteur y disait que le phénomène des réseaux sociaux n’a rien de nouveau en soi, puisque c’était déjà la manière de communiquer depuis la nuit des temps. Par contre, il y a une manière de faire. C’est ce que nous apprennent les Écritures aujourd’hui. On a besoin d’un peu de douceur et de miséricorde dans nos rapports les uns aux autres ! J’ai relevé trois points importants pour y parvenir du mieux possible.

  • Le devoir de prendre soin

St Paul et Jésus, nous rappellent qu’on a un devoir de vérité et de justice. On a besoin de prendre soin de l’autre, et ça passe parfois par des choses peu agréables à lui dire. C’est ce qu’on appelle la charité fraternelle dans notre jargon chrétien. On peut avoir tendance à passer l’éponge un peu vite sur des situations qui ne sont pas très en accord avec l’enseignement de l’Évangile, sous prétexte de charité, de bienveillance, de gentillesse, de discrétion… Mais quand on est dans cette attitude, on manque de vérité et de justice avec l’autre. Ce n’est pas l’aider que d’ignorer ce qui ne va pas.

Et a contrario, ce n’est pas non plus de la charité de dire la vérité tout le temps, ça peut être blessant. La charité fraternelle est comme un scalpel dans les mains d’un chirurgien, si on l’utilise de manière très délicate, elle peut faire beaucoup de bien, voire-même sauver ! Mais si on est brouillon, elle peut engendrer de grands dégâts qui peuvent être fatals. Alors, comment s’y prendre ? St Paul & Jésus proposent de ne pas se débiner, et de procéder par étapes. C’est typiquement la pédagogie de Dieu à travers tout l’AT : il y va par étapes avec son peuple, ce qu’on est invité à faire aussi avec « le frère qui vient à pécher ».

  • La dette spirituelle

Ça, c’est du grand St Paul qui commente son Maître : Jésus. Il parle de « la dette de l’amour mutuel… », et ça lui tient très à cœur ! Elle nous vient tout droit du commandement très fort de Jésus : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » C’est la question qu’on peut se poser dans un choix compliqué : « Qu’est-ce qu’il y a de plus charitable ? Qu’est-ce qui sera le plus au service de la charité ? » Parce que mine de rien, on a une dette à honorer ! Avant de faire un choix, avant de faire une remarque à quelqu’un, avant de parler de quelqu’un en groupe, on doit toujours se poser la question de la plus-value que ça apportera, en se rappelant qu’on a une dette spirituelle, la dette de l’amour mutuel.

Le Code de Droit Canonique qui est la loi de l’Église, dit lui-même, dans son dernier article, que le salut des âmes doit toujours être la loi suprême de l’Église, ce qui permet de tempérer certaines décisions ou jugements. Et le CEC 1822 de rajouter : « La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour Lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu. » C’est la dette la plus belle et la plus dure à honorer que nous ayons en ce monde !

  • Le potentiel de communion

Dans l’Évangile, Jésus dit à ses disciples : « si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. » En effet, on peut y entendre que Dieu exauce quand deux ou trois sont réunis dans le nom de Jésus. Et c’est vrai ! J’en ai fait souvent l’expérience. Mais Jésus va au-delà… D’après la célèbre bibliste Sr Jeanne d’Arc, le terme grec employé pour dire « se mettent d’accord », c’est une notion musicale. On pourrait traduire par « sont en symphonie ». C’est très fort !!! Ce n’est pas seulement le fait d’approuver un consensus bilatéral, c’est carrément être en communion au point de former une symphonie.

Quand j’étais au séminaire, je jouais de la cithare pour accompagner les offices. Et de temps en temps, il fallait l’accorder. Mais accorder une cithare, c’est prendre environ ¾ d’heure pour mettre au diapason les quelques 118 cordes. Vers la fin, c’était toujours un moment extraordinaire, parce qu’une corde bien accordée faisait entrer en résonnance une multitude d’autres cordes de notes différentes, sans même les avoir sollicitées. Ça donnait une mélodie céleste… Belle image de cette petite phrase de Jésus qui exhorte à entrer en symphonie ! Et ce n’est pas fini !! Parce que, selon la même Sr Jeanne d’Arc, la traduction littérale de « ils l’obtiendront » est plutôt : « cela leur adviendra », qui est le même verbe employé dans le Notre Père. Autrement dit, la communion qu’on s’efforce de vivre ici inaugure le règne de Dieu sur terre…

Conclusion

Quand Jésus dit que ce qu’on lie sur la terre reste lié dans le ciel, et que ce qui est délié sur la terre sera délié dans le ciel, c’est une manière élégante de dire le petit dicton populaire : « tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler. » Mais c’est surtout une manière de dire que le Royaume de Dieu n’est pas quelque chose de lointain, c’est une réalité très proche, et très actuelle. On y œuvre à chaque instant. Donc tout ce qu’on dit et fait ici-bas a une conséquence immédiate sur l’avènement du Royaume de Dieu en ce monde ! On ne peut pas espérer résoudre un problème dans la vie éternelle si on n’a pas déjà œuvré à sa résolution dans cette vie. On ne peut pas espérer se prendre dans les bras dans le Royaume de Dieu si on ne commence pas ici un processus de pardon… Au final, on peut dire qu’on n’a qu’aujourd’hui pour expérimenter la miséricorde de Dieu et la transmettre.

Amen !