15ème dimanche du temps ordinaire année A 2023

Chers frères et sœurs,

J’ai souvenir d’un petit sujet de philo quand j’étais au lycée : la vie sans risques vaut-elle la peine d’être vécue ? Sujet passionnant, non ? Justement, l’Évangile qui nous est donné aujourd’hui nous présente un semeur qui ne lésine pas sur le risque… Il sème au risque de mettre du grain partout sur le chemin, dans les ronces, dans le fossé, dans les cailloux, … Et vu comme le grain est précieux, on peut même se demander s’il ne serait pas un peu fou !

Dieu est-il fou ou incompétent ? Je préfère partir sur la folie. S’il a créé le Ciel et la terre aussi beaux et bons, il est forcément compétent ! Donc Dieu est fou… il sème largement, même là où le grain a le plus de risques de ne pas pousser. Et pourtant, dans un passage, St Paul nous dit que « la sagesse de Dieu est folie aux yeux des hommes. » Alors, c’est mon jugement qui est biaisé ! Et si mon jugement est biaisé, c’est peut-être que je peux travailler quelques bricoles pour découvrir la fine pointe de cet Évangile, l’extraordinaire largesse de Dieu.

  • La vertu d’espérance

Le message de Jésus dans l’Évangile pourrait être résumé par : au diable l’inquiétude et le manque d’espérance. Tiens-tiens… L’espérance est une vertu théologale… C’est-à-dire donnée directement par Dieu ! Et si ce fameux « péché contre l’Esprit-Saint » c’était justement la désespérance ? Parce qu’elle est mortifère. Si le semeur n’a pas un vrai geste large, il sème uniquement sur sa bonne terre dont la surface va diminuer d’année en année, envahie par les ronces et autres éléments indésirables. C’est la conséquence de la désespérance. Quand on est chrétien, on ne peut pas désespérer de soi, des autres, du politique, du monde… On ne peut pas désespérer tout court ! Ça va mal depuis la nuit des temps, mais on est encore là. C’est bien que Dieu veille, alors pourquoi s’inquiéter ?

Le semeur sème à foison, tout comme Dieu répand son amour pour nous, sans hésiter : il sème en nos cœurs, terrains souvent rocailleux ! Peu de chances que ça prenne… Mais il le fait ! Qui sait si une petite graine ne va pas se faufiler entre deux pierres, émerger d’un petit espace inespéré entre les ronces… Charles Péguy parle de cette espérance comme la « petite fille de rien du tout qui marche entre ses deux grandes sœurs que sont la foi et la charité. » Cette vertu d’espérance qui nous est largement donnée, induit aussi un devoir.

  • Le devoir d’optimisme

Notre devoir qu’o reçoit au baptême, c’est de procurer aux autres une bouffée d’optimisme ! Pourquoi tant de personnes que je rencontre, ont encore cette vieille image défraîchie de chrétiens austères qui paniquent quand on ne respecte pas la doctrine, ou d’assemblées dominicales qui tirent des têtes de six pieds de long (pour ne pas dire qui font la gueule) ? Et ça, ça ne dépend pas de l’orgue ou de la guitare, du français ou du latin, ou que sais-je encore… ça dépend de nous ! Forcément, je prêche pour ma paroisse, je leur dis de venir ici ; parce qu’ici c’est quand-même pas la même chose, on a une foule enthousiaste, une communauté incroyable !

Au-delà de la plaisanterie, s’il y a une telle image qui nous colle à la peau, c’est bien qu’elle vient de quelque part ! De la boulangerie au bistro, du repas de famille à la discussion avec les voisins en allant chercher le courrier, on doit être des machines à optimisme !! On a un message très actuel à transmettre. Et peu importe où il va se planter, on aura fait notre travail. Dans un autre passage, St Paul nous met en garde : « À semer trop peu, on récolte trop peu ; à semer largement, on récolte largement. » (2Co9,6)

  • L’entretien d’une bonne terre

Dieu jette à poignées, même dans le fossé… Il n’y a rien de rentable dans la foi. Mais même si Dieu sème largement, on a tout de même besoin de travailler la terre, d’y mettre de la sueur pour enlever la caillasse et les ronces. Parce que jamais rien n’est acquis ! Qui a découvert la joie d’une récolte abondante, a le désir de récolter plus encore ! On ne devient pas saint ou mystique parce qu’on a été choisi par Dieu au milieu de beaucoup. On le devient parce qu’on élargit la place qu’on lui donne dans sa vie !

La bonne terre, elle se cultive en se frottant aux Écritures, particulièrement les Évangiles ; en prenant du temps pour Dieu (en priant) ; en vivant la charité de mille manières différentes ; en fréquentant les sacrements ; etc. La bonne terre n’est pas le fruit du hasard ni de dispositions naturelles. Elle est la conséquence du travail qu’on y consacre et de la grâce de Dieu qui soutien cet effort. On laboure, et Dieu sème.

Conclusion

La bonne nouvelle de cet Évangile, c’est une 9ème béatitude : Heureux les cœurs secs, ils seront quand-même ensemencés ! Parce que Dieu est tellement optimiste et persévérant qu’il donne quand-même sa grâce, même quand il y a une probabilité minime qui équivaut à une chance sur des milliards.

Et si toutefois on fait quand-même des efforts sans en voir les fruits, on peut se consoler avec cette petite phrase de Dieu lui-même dans la 1ère lecture : « La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer […] ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat. »

Frères et sœurs, quand on est chrétien, on n’est pas qu’optimiste, on est visionnaire ! Si on ne prend plus de risques, si on ne s’investit plus à perte, on est déjà mort. La foi vivante appelle cette folie de croire en l’incroyable, de semer sur des terrains infertiles ; précisément parce qu’on a la ferme conviction que la grâce de Dieu est systématiquement surprenante ! Aidons le semeur à semer largement !

Amen.