12ème dimanche du temps ordinaire année B 2024

Chers frères et sœurs,

La rencontre avec Jésus n’est pas de tout repos, on peut même dire que ça change radicalement la vie !! Nombre d’entre nous en ont fait l’expérience… Pour autant, si choisir de le suivre et de l’aimer de tout son cœur, de toute son âme et de toute son intelligence procure une grande joie, c’est aussi le début d’un combat intérieur parfois très déstabilisant. C’est ce qu’on appelle le combat spirituel. Dans ce combat, on a 2 ennemis : l’un extérieur et l’autre intérieur. Il y a l’Adversaire des origines qui veut nous faire abandonner l’élan amoureux vers Dieu par toutes sortes de stratagèmes plus ou moins subtiles ; et un solide guerrier qui offre une résistance frontale au changement : nous-mêmes. Le confort parfait est de rester dans ce qu’on connaît, même si c’est médiocre.

Alors, ce dimanche, dans l’Évangile, il nous est offert un bel enseignement sur le combat spirituel et la gestion de l’épreuve dans la vie spirituelle. Je vous propose d’observer Jésus et ses disciples pendant la tempête, en 3 étapes.

  • Changer de cap

Suggestion de Jésus après avoir prêché sur le Royaume avec des paraboles : « Passons sur l’autre rive. » L’expérience de l’avoir écouté doit se poursuivre par un mouvement concret. C’est le changement de cap auquel Jésus invite ses disciples. Et si on continue l’Évangile, Jésus s’endort, comme le semeur dont il vient de parler dans sa prédication. Qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence grandit… Il fait confiance dans nos premiers pas.

St Paul, dans la 2ème lecture, parle de la conséquence spirituelle de cette rencontre transformante de Jésus. C’est tellement fort que ça opère un décentrement de soi-même pour centrer sa vie sur le Christ. Conséquence : « Désormais, nous ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine. » Parce que « Si quelqu’un est dans le Christ, il est une créature nouvelle. » Jésus-Christ permet qu’on puisse changer de regard. Quand on vit une telle rencontre avec lui, que ce soit progressif ou immédiat, le rapport au monde est profondément transformé. C’est une conversion.

  • Choisir le pilote

Juste après la tempête, les disciples se posent la question : « Qui est-il donc celui-ci ? » C’est une toute petite phrase qui passe inaperçue parce qu’on est focalisé sur le feu de la tempête… et pourtant ô combien importante ! C’est la question fondamentale de l’Évangile… et la question fondamentale de toute notre vie ! Même Jésus la pose à un autre moment : « Et pour vous, qui suis-je ? »

Jésus intervient au milieu de la tempête, de la même manière que le Seigneur s’adresse à Job « du milieu de la tempête » qu’il traverse intérieurement. Malgré une conversion, un changement de cap, on aura toujours une tendance à retourner vers les anciennes habitudes, même mauvaises, parce qu’on a la fâcheuse manie de rechercher de la sécurité dans ce qu’on connaît déjà. La question essentielle à se poser est donc plutôt dans la dynamique de St Paul (2ème lecture) : qu’est-ce que le Christ a changé dans ma vie ? De quoi est-il venu me libérer ? Si connaître Jésus est le travail de toute une vie pour se préparer à le rencontrer définitivement au Ciel, se remémorer ce qu’il a renouvelé et transcendé dans notre existence est un acte de foi qu’on a besoin de renouveler régulièrement. Qu’est-ce que le Christ a changé dans ma vie pour qu’il soit au centre ?

  • Honorer Dieu

La dernière réaction des disciples, une fois qu’ils ont paniqué et rechoisi Jésus comme leur maître spirituel, c’est d’être « saisis d’une grande crainte ». La Sr Jeanne d’Arc traduit littéralement par « Ils craignent d’une grande crainte. » Cette crainte qu’on retrouve à beaucoup d’endroits dans la Bible n’est pas un mouvement de peur, mais plutôt une attitude de profonde adoration. C’est la parfaite réponse à la question insolvable du « Mais qui est-il celui-là ? » La contemplation de l’infinie grandeur de Dieu est vertigineuse, et seule l’attitude de prosternation intérieure, de contemplation et de louange permet de réduire à néant ce fossé en associant notre petitesse à l’immensité de Dieu, notre faiblesse à sa force. Le philosophe Martin STEFFENS le dit d’une manière admirable : « Mesurer l’écart entre la créature et la majesté divine, c’est aussi s’étonner qu’une simple prière parvienne à le combler. »[1] On a beau dire, le changement de vie quand on accueille le Christ et qu’on choisit de le suivre, n’est durable qu’en entretenant sa vie spirituelle.

Conclusion

L’épreuve et le combat spirituel sont des incontournables pour quiconque choisit de placer Jésus au centre de sa vie. Cette décision demande d’avoir de sérieuses fondations pour traverser toutes les tempêtes. Et elle demande surtout une foi vivante pour comprendre que Dieu est notre bien le plus précieux, qu’il est le rocher véritable quand tout s’effondre autour de nous.

Après les phases très humaines de peur, de colère, et d’autres sentiments légitimes et nécessaires, notre réflexe doit pouvoir être l’acte de foi pour choisir Jésus, pour lui confier la barre ; puis de descendre en soi pour entrer dans son sanctuaire intérieur et y adorer le Seigneur déjà présent. Si on voulait prendre une image parlante, on pourrait dire que c’est traverser la tempête extérieure et rentrer au port d’attache, cette petite zone enclavée dans laquelle les eaux sont paisibles et accueillantes. Après coup, on peut dire que le combat spirituel et l’épreuve sont des étapes qui ne sont certes pas voulues par le Seigneur, mais qui deviennent des opportunités pour revenir à l’essentiel et approfondir la relation avec lui.

Amen.


[1] Martin STEFFENS, Marcher la nuit – Textes de patience et de résistance, DDB, 2020, p.156