10ème dimanche du temps ordinaire année B 2024

Chers frères et sœurs,

À la fin de l’Évangile qu’on vient d’entendre, on nous parle de la mère et des frères de Jésus… Et lui-même dit que sa mère et ses frères sont tous ceux qui font la volonté de Dieu. Je ne reviens pas sur le fait qu’il ait potentiellement eu des frères et des sœurs, la tradition catholique n’a pas retenu cette thèse pour un certain nombre de bonnes raisons, notamment une question de vocabulaire hébreu et grec.

Donc toute la question est de savoir ce qu’il faut faire pour devenir frère et sœur de Jésus ! C’est le petit refrain qu’on chante souvent aux baptêmes : « tu es devenu(e) enfant de Dieu, et frère/sœur de Jésus alléluia ! » Et c’est vrai que par le baptême, on entre dans sa famille, on devient frère & sœur par adoption. Par contre, ça demande un certain style de vie pour garder ce trésor. La question centrale est donc de savoir comment connaître et réaliser la volonté de Dieu…

  • Assumer ses faiblesses

Dieu n’a pas voulu faire des super-héros en nous créant. Dans l’œuvre originelle d’avant la chute, avec le temps et l’objectif de croissance, on pourrait même dire qu’il a prévu un parcours d’apprentissage constant. C’est une forme d’humilité d’aborder le monde avec un regard curieux pour apprendre sans cesse.

Et depuis la chute, cette dimension de croissance a pris une autre forme : il nous faut apprendre à assumer notre faiblesse pour accueillir la miséricorde de Dieu. Parce que le fait de ne pas assumer, c’est tromper Dieu, et a fortiori se tromper soi-même. C’est la réaction d’Adam puis d’Ève de reporter la faute sur autrui : « La femme que tu m’as donnée, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé. » « Le serpent m’a trompée, et j’ai mangé. » C’est tout l’art de savoir demander pardon sans se justifier (qu’on retrouve dans la confession), c’est la démarche recréatrice qui permet à Dieu de donner largement sa miséricorde.

  • Regarder au bon endroit

Quand on apprend à conduire une moto, on nous répète sans cesse que le véhicule va là où on pose le regard. Si on regarde le fossé dans le virage, on finit inévitablement dans le fossé. D’où l’intérêt d’anticiper et de regarder l’objectif final plutôt que de prêter trop d’attention à l’épreuve qu’on traverse. C’est ce qu’enseigne St Paul dans la 2ème lecture : « Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous. » D’ailleurs, on retrouve cette idée dans un passage de l’Évangile : « La femme qui enfante est dans la peine parce que son heure est arrivée. Mais, quand l’enfant est né, elle ne se souvient plus de sa souffrance, tout heureuse qu’un être humain soit venu au monde. » Jn 16,21 Même si je n’ai jamais enfanté et que ça ne m’arrivera jamais, ça reste facile à comprendre…

En fait, chaque épreuve est l’occasion pour Dieu de donner plus de grâces pour qu’on traverse sereinement la tempête et qu’on en sorte grandi. L’objectif qu’on doit avoir en vue en permanence, c’est le Ciel…

  • Choisir le Christ

Une fois qu’on assume ses actes et sa condition, et qu’on a notre destinée dans le viseur, il faut bien une manière concrète pour y arriver dans le quotidien. Là aussi, sur la théorie c’est facile, c’est ce qu’on nous rabâche en permanence : s’attacher à Jésus. C’est ce que les scribes de l’Évangile ont du mal à comprendre. À les entendre, Dieu ne peut pas faire autant de merveilles et de miracles, donc Jésus est un imposteur, c’est un suppôt du diable qui en jette plein la vue en faisant du bien, mais d’une mauvaise manière.

Donc Jésus répond. L’œuvre de Dieu porte toujours les mêmes fruits, ce qui n’est pas le cas de l’œuvre du diable. L’œuvre de Dieu porte systématiquement des fruits de paix, de charité, de joie, etc. Et ce sont des fruits durables. Le fameux blasphème contre l’Esprit Saint pourrait donc être de se méprendre sur l’œuvre de Dieu, son œuvre de miséricorde et de rédemption, de s’aveugler à tel point qu’on ne soit plus capable de le voir. En bref, c’est le manque de foi et d’espérance.

Conclusion

Au final, connaître et réaliser la volonté de Dieu, être véritablement frère et sœur de Jésus, c’est tout simple. C’est comprendre notre destinée. Ce que Jésus fait dans la moitié de l’Evangile, c’est de proclamer le Royaume de Dieu, et d’apprendre à ses disciples à le faire à leur tour. Ce Royaume, on l’imagine bien à la fin de notre vie comme une récompense. On peut l’entendre de St Paul : « Nous avons un édifice construit par Dieu, une demeure éternelle dans les cieux qui n’est pas l’œuvre des hommes. » Sauf que les cieux, depuis Jésus, ils sont devenus présents en nous, dans notre cœur. On cherche trop souvent à l’extérieur ce qui est déjà présent à l’intérieur de nous. Au risque de me répéter, je reprends la petite pépite de St Augustin : « Je t’ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t’ai aimée bien tard ! Mais voilà : tu étais au-dedans de moi quand j’étais au-dehors, et c’est dehors que je te cherchais. »

Le travail du chrétien, chaque jour, c’est de chercher la volonté de Dieu. Et pour chercher la volonté de Dieu, il n’y a qu’un seul chemin : l’introspection, le repli au plus profond de soi. C’est ce qu’on trouve dans la prière et dans le dialogue avec sa conscience. Quand on est chrétien, on ne peut donc pas se limiter à conformer sa vie à des prescriptions ou à s’installer dans le petit confort de ses bonnes pensées. Etre pleinement chrétien, c’est chercher chaque jour le face-à-face avec le Créateur, entrer en colloque avec lui et goûter la joie du Ciel déjà mystérieusement présent en ce monde, au plus intime de nous-mêmes.

Amen.