2024 : année de la prière #4

La prière : L’union au Christ – Quelques éléments sur l’adoration eucharistique

Intro

Maintenant que nous avons quelques bases sur la nature de la prière et sur la manière de s’y prendre, je vous propose d’entrer dans une 2ème étape, celle de l’union au Christ. C’est le but de tout chrétien et l’ordinaire des saints. Comme je le disais une fois précédente, il y a plusieurs manières de s’unir au Christ, plusieurs voies en fonction de la sensibilité spirituelle de chacun. Selon moi, les plus abordables et les plus simples sont l’adoration eucharistique et l’oraison carmélitaine. C’est autour de celles-ci que je bâtirai mes prochains topos, maîtrisant mal les autres.

Du fait que nous soyons face à Jésus-Christ dans le Saint-Sacrement, il me semble plus opportun de commencer par l’Adoration Eucharistique. De plus, certains parmi vous découvrent probablement cette forme de prière un peu spéciale… Donc on va défricher ce concept.

Pour commencer, qui dit Saint-Sacrement, dit sacrement, et dit liturgie.

La liturgie dans l’Église

La liturgie est donnée par l’Église, donc elle est normée et on ne peut pas vraiment faire ce qu’on veut. C’est une série de rites prescrits qui dévoilent un Mystère, un don de Dieu sans retour. Le sacrement est un signe visible d’une réalité invisible. Il a donc besoin d’être déployé selon une formalité particulière.

La liturgie, c’est l’action de prière ecclésiale qui porte un Mystère. Et d’une manière générale, on peut dire que le but de toute liturgie est de dévoiler le Mystère Pascal. On célèbre la Passion, mort et Résurrection de Jésus. On célèbre notre Salut ! Chaque liturgie est une louange à Dieu qui nous sauve.

Et comme la liturgie est une série de rites, elle demande une initiation pour entrer pleinement dedans : le baptême, puis l’Eucharistie et la Confirmation. C’est un acte public, donc ouvert à tous, donc en communion avec toute l’Église, ce qui n’est pas le cas de la prière personnelle (ou beaucoup moins).

La liturgie est cadrée et règlementée par le CIC[1] et les rituels et autorités locales propres. Elle renvoie toujours au sacrement de l’Eucharistie qui façonne et accompagne l’Église sans son pèlerinage sur la terre. Le Concile Vatican II nous dit que l’Eucharistie est la source et le sommet de toute la vie chrétienne (LG 11). C’est pour cette raison qu’elle est la liturgie qui reflète le mieux le Mystère Pascal.

Ce que dit l’Église sur le sacrement de l’Eucharistie

Je cite le début du décret du 21 juin 1973 de la Congrégation pour le Culte divin qu’on retrouve dans le rituel de l’Eucharistie en-dehors de la messe :

« Le Christ a confié à l’Église, son Épouse bien-aimée, le sacrement de l’eucharistie comme l’aliment spirituel des fidèles et le gage de la vie éternelle, et l’Église l’a toujours reçu avec foi et amour.

La célébration de l’eucharistie dans le sacrifice de la messe est vraiment la source et le but du culte qui lui est rendu en dehors de la messe. Mais si les saintes espèces sont conservées après la messe, c’est principalement pour que les fidèles qui ne peuvent assister à la messe, surtout les malades et les personnes âgées, s’unissent par la communion sacramentelle au Christ et à son sacrifice qui est célébré à la messe.

L’habitude de conserver les saintes espèces en vue de la communion a amené la coutume d’adorer ce sacrement et de lui accorder le culte de latrie qui est dû à Dieu. Ce culte d’adoration se fonde sur un motif solide et ferme. De plus, l’Église elle-même a institué certaines de ses formes publiques et communautaires. »

Ce décret montre bien la relation de l’exposition du St Sacrement avec la messe. Il est indissociable de la célébration de la messe.

Adorer le TSS[2], c’est reconnaître la présence du Christ dans les Espèces Eucharistiques. Donc on peut facilement dire que c’est la prolongation du sacrifice de la messe qu’on contemple de manière solennelle. On est invité à une communion de cœur avec le Christ dont le sommet est dans la communion sacramentelle, car le Christ est avant tout à notre portée comme notre nourriture, notre remède et notre réconfort.

On me demande souvent pourquoi on prend beaucoup de tissus et de précautions pendant l’exposition du TSS, alors qu’on a probablement moins de solennité pendant la messe. C’est une question de mise en valeur de l’Eucharistie et de la présence réelle et substantielle de Jésus dans ce sacrement. C’est aussi un reste de la période de Réforme Catholique suite à la Réforme Protestante. Face aux protestants qui niaient la présence réelle dans l’Eucharistie, il fallait sortir le grand jeu pour montrer que Dieu était réellement présent… La célébration est donc restée très démonstrative en déployant des drapés et de l’orfèvrerie de grande qualité. Pour autant, l’Église demande de faire attention à l’agencement du lieu, et d’éviter avec soin tout ce qui pourrait voiler le désir du Christ. C’est le fameux concept de « noble simplicité » dont parle le Décret sur la Sainte Liturgie du Concile Vat.II.

Dans les divers écrits, on peut ressentir un encouragement très fort de l’Église à développer cette forme de prière liturgique pour développer la spiritualité des fidèles, pour manifester l’unité d’une communauté et pour augmenter le désir de l’Eucharistie et l’union au Christ. Elle invite à garder des temps convenables pour la lecture de la Parole de Dieu, les cantiques, les prières, et oraisons prolongées quelque temps en silence. Le but ultime est de se centrer sur le Christ Seigneur. Le rituel encourage même à intégrer une 2ème liturgie en y célébrant les Heures de l’Église (bréviaire). C’est peut-être ce que nous ferons à l’issue du cycle de topos sur la prière.

Plus concrètement…

Trouver le rythme

Comme je le disais les fois précédentes, chacun est appelé à trouver sa manière de prier, que ce soit le chapelet, l’oraison, la Lectio Divina, etc. car c’est un point d’équilibre dans la journée et dans toute la vie. Ce n’est ni un temps de repos ni un temps de travail, c’est une question d’équilibre spirituel. Chacun est appelé aussi à vivre, autant que faire se peut, une retraite spirituelle régulièrement (1x par an ou par 2 ans).

L’adoration eucharistique, depuis quelques décennies, est apparue comme un développement de la vie de prière, ce qui entraîne un beau renouveau spirituel dans l’Église. Mais cette nouveauté comprend aussi des écueils. Attention à ne pas la considérer comme la seule manière de prier. Elle deviendrait alors coupée de la dimension liturgique qu’elle comprend. De plus, on pourrait risquer d’arrêter de prier lorsqu’il n’y a plus de lieu d’adoration à proximité de chez soi. On peut aussi encourager les « visites au Saint-Sacrement » qui étaient beaucoup préconisées il y a un ou deux siècles. C’est le fait d’aller prier dans l’église à proximité de chez soi, devant le tabernacle. Une petite visite au Seigneur présent dans l’église au détour d’une balade ou d’un trajet fonctionnel, comme on passerait saluer un ami à côté de chez qui on passe.

L’adoration eucharistique n’est pas un moyen exclusif de prier, ou un moyen meilleur que les autres. Cependant, chaque catholique est invité à s’en rapprocher régulièrement (le rituel demande qu’il y ait au moins 1 célébration par an dans chaque paroisse).

Trouver la manière

Comment s’y prendre sur place ?

Qui dit célébration liturgique, même seul lors des adorations prolongées ou bien silencieuses, dit liturgie, et dit rituel. A chacun de trouver sa manière de faire. On peut toutefois se donner des pistes :

  • Signe de croix
  • Préparation pénitentielle
  • Lecture de la parole de Dieu
  • Moment d’intercession
  • Conclusion

Que dire ou ne pas dire ?

Ça, c’est dans le cœur de chacun… Un paysan avait dit un jour au curé d’Ars qui le voyait rester de longs moments dans l’église : « je l’avise et il m’avise ».

Ce qui est vraiment important, c’est le silence du cœur : laisser parler le Seigneur à travers la Parole de Dieu, les émotions, les préoccupations, l’agenda, le compte en banque, etc. Dieu s’est incarné, il a épousé notre condition, on peut lui confier tout ça !

Et petit-à-petit, on finit par goûter au cœur-à-cœur dans la fidélité à ce sacrement, à force de contempler le Christ-Sauveur ressuscité.

En contemplant Jésus-Hostie, on contemple notre Salut, on contemple le Mystère Pascal, la fragilité de Dieu qui se donne, Dieu nourriture, l’enfant-Jésus dans la mangeoire, Jésus souffrant déjà lors de la dernière Cène et au jardin des oliviers …

Comment se tenir ?

Quand on voit le TSS arriver, le rituel dit de « s’agenouiller d’un seul genou, comme devant un tabernacle. », comme les Rois Mages devant l’enfant Jésus. Par simplicité et par révérence, on peut rester un peu à genoux au début et à la fin du temps d’adoration. Ce qui compte, d’est d’offrir une révérence nécessaire à Dieu, et de manifester notre foi en la présence réelle de manière communautaire en posant un geste concret.

Dans la durée, il faut penser à une position confortable pour ne pas être gêné par les douleurs du corps, pour pouvoir être tout à Dieu. Attention toutefois, à ne pas verser sur une position de sommeil (même si s’endormir, ça peut arriver).

Préparer le temps de prière ?

Les adorations eucharistiques sont normalement préparées avec une quantité nécessaire de méditations et de lectures de la Parole de Dieu. Mais parfois non. Alors ça peut être opportun de préparer ce moment avec une « lecture pieuse », savoir grosso-modo ce qu’on va faire de ce temps avec le Seigneur. Le but est toujours la communion spirituelle avec Jésus-Christ. Simplement faire attention à ce que le lieu de l’adoration ne devienne pas un salon de lecture !

Conclusion

Dans cette célébration liturgique qu’est l’exposition et l’adoration du TSS, il y a des codes et une manière de prier qui relève d’une prière commune faite par et pour l’Église.

C’est une forme de prière qui est indissociable de la Sainte Messe, et de toute la vie spirituelle que chacun est invité à développer, avec sa spiritualité propre en fonction de son tempérament, de son éducation, de son caractère, de ses capacités physiques, spirituelles et psychiques.

On ne peut qu’encourager cette dévotion eucharistique, mais en prenant soin de la replacer dans son contexte ecclésial et sacramentel. Elle ne se substitue pas à une vie de prière quotidienne, elle vient enrichir une vie sacramentelle régulière.

Visite du soir devant le tabernacle par le Cardinal John-Henry Newman

O mon Jésus,

je me prosterne devant le tabernacle,

et je vous adore sous les voiles de l’Hostie

que je recevrai demain.

Je l’aime et la désire de tout mon coeur,

cette divine Hostie.

Sous sa petitesse,

sous sa blancheur,

je découvre un abîme immense d’amour,

de tendresse et de miséricorde.

Par quelles immolations

vous avez dû passer pour descendre

ainsi jusqu’à mon néant!

Et vous êtes déjà là,

dans le ciboire, à m’attendre,

tout impatient de vous donner à moi!

Merci, ô mon Dieu;

je dépose dans votre coeur

les sentiments de ma foi,

de ma confiance,

de ma gratitude la plus vive.

O divine Hostie de ma communion prochaine,

vous serez bientôt ma nourriture,

ma force, ma joie;

vous serez le soutien de ma faiblesse,

ma vie enfin.

Qu’ai-je à vous offrir,

ô mon Jésus caché,

anéanti mais réellement présent

dans cette Hostie qui m’est réservé?

Rien, si ce n’est le désir ardent,

profond de m’unir à vous

et de vous aimer sans mesure et sans fin.

Je viens souvent

au pied du tabernacle les mains vides.

Mais je vous trouve là,

ô mon Père pour le paiement de mes dettes

et de mes fautes continuelles.

Effacez-les de votre doigt divin,

car je le sens,

je ne veux plus vous offenser,

vous peiner volontairement.

Je veux vous apporter demain

mon coeur bien préparé,

bien aimant,

m’endormir avec la pensée

que vous êtes là solitaire,

que vous désirez me voir

et que demain vous vous donnerez à moi

avec toutes les richesses de votre coeur,

avec votre humilité,

votre douceur, votre pureté,

avec toutes les vertus qui me manquent.

Préparez-moi, ô Jésus, bénissez-moi;

bénissez ceux que j’aime

et pour lesquels je vais vous prier.


[1] Code de droit canonique

[2] Très Saint Sacrement