Vigile de Pentecôte 2024

Chers frères et sœurs,

On a commencé le Temps Pascal par une vigile, dans la nuit, en amenant progressivement la lumière et la joie de Pâques. Ce soir, on achève cette période liturgique par une vigile qui nous donne des petits airs de recréation. Cette nuit, on célèbre la venue du Saint-Esprit et la naissance de l’Église. Dans sa pédagogie, l’Église nous donne à nouveau une liturgie pleine de sens, et des textes qui nous replongent dans nos racines…

On commence par Babel, où Dieu disperse, où il met la confusion dans les langues, pour en arriver à la Pentecôte où il restaure la compréhension entre les peuples, malgré les langages différents. C’est d’ailleurs l’histoire du serpent d’Airain dans le désert. Suite à la grogne des hébreux, surviennent des serpents venimeux. Vient alors l’aide de Dieu qui ne chasse pas les serpents, mais qui donne le moyen à Moïse de sauver les gens qui le demandent pour qu’ils ne meurent plus. Dieu ne supprime pas le problème engendré par le mauvais usage de notre liberté, par notre péché ; il le rend supportable, et même salutaire ! C’est de la même manière que le péché est entré dans le monde : il a installé le désordre dans la Création. Et Dieu a envoyé Jésus non pas pour régler les problèmes, mais pour devenir un moyen de Salut pour ceux qui l’acceptent. Et pour retrouver la communion avec Dieu, l’harmonie avec la Création, Jésus nous fait le don conjoint du Saint-Esprit et de l’Église !

Cette fête de Pentecôte 50 jours après Pâques est concomitante avec la fête de Shavouot. C’est le don de la Torah, 50 jours après la Pâque juive où on célèbre la sortie d’Égypte.

Là où à Pâques les juifs célèbrent la libération d’Israël de la maison de servitude égyptienne ; nous, chrétiens, on célèbre la libération de l’humanité de la servitude du péché et de l’emprise de la mort. Et quand les juifs célèbrent le don de la Loi sur des pierres au Sinaï ; nous, chrétiens, célébrons le don de l’Esprit-Saint qui vient inscrire en nos cœurs le nom de Dieu, la loi de l’amour gravée dans la chair. On ne peut pas dire qu’il y a une opposition, mais bien plutôt une progression. C’est tout le chemin qu’on parcours dans la foi. Quand on rencontre Dieu, on en fait un maximum pour lui correspondre dans le concret, pour acquérir des « valeurs », un mode de vie typiquement chrétien. Mais petit-à-petit on est amené à approfondir spirituellement ce changement de vie pour imprégner la loi de l’amour de Dieu jusqu’au plus profond de nos cœurs.

On en arrive donc à la 3ème lecture avec la prophétisation sur les ossements desséchés. Elle nous montre à quel point Dieu veut faire de nos cœurs un peu arides, des cœurs de chair capables d’aimer. Et ça dépend de l’action de Dieu et de notre capacité à prophétiser. Prophétiser c’est annoncer comme si on était déjà exaucé, ce qu’affirme Joël dans la 4ème lecture… On est appelé à faire pareil ! « Au nom de Jésus, je prophétise l’effusion du Saint-Esprit dans mon âme. Amen ! » C’est tout simple, non ? Aller, on le redit tous ensemble. (bis) Et on peut prophétiser plein de choses comme ça ! Le matin en se levant : « Je prophétise que ce matin Dieu est présent en moi, et qu’il va me donner de supporter tous les problèmes dans la joie. Amen ! » C’est un exercice qu’on développe trop peu… alors qu’en étant baptisé, on est prêtre, prophète et roi ! Le Saint-Esprit fait de nous des prophètes, ce n’est pas qu’un concept cérébral. On a une bouche, elle est faite pour bénir et prophétiser !

Et comme ça n’est pas chose simple de se remettre à prophétiser, ni même tout simplement prier ou d’exercer la charité, St Paul nous dit qu’on a une aide : « Bien plus, l’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. » Et c’est typiquement l’expérience de St Augustin : Dieu qui le rejoint dans sa faiblesse. Je le cite : « Averti de revenir à moi-même, je suis entré au fond de mon cœur, sous ta conduite, Seigneur, et j’ai pu le faire, parce que tu es venu à mon secours. Je suis entré, et avec le regard de mon âme, quel que fût son état, au-dessus de ce même regard, au-dessus de mon intelligence, j’ai vu la lumière immuable. […] Je t’ai aimée bien tard, Beauté si ancienne et si nouvelle, je t’ai aimée bien tard ! Mais voilà : tu étais au-dedans de moi quand j’étais au-dehors, et c’est dehors que je te cherchais. »

On a fait tout ce parcours pour saisir que l’Esprit-Saint est celui qui est le grand discret, tout au fond de nous-même. « Dieu plus intime à moi-même que moi-même » disait St Augustin. Le Cle Mercier employait cette délicieuse expression : « Esprit-Saint âme de mon âme. » Tout ce parcours de Dieu dans l’histoire pour faire comprendre à l’homme qu’il habite avec lui, d’abord par un peuple : Israël, puis par un lieu au milieu de son peuple : le Temple de Jérusalem, puis en personne : Jésus-Christ, et enfin au plus profond de nous-mêmes par le Saint-Esprit. Ce n’est pas une venue progressive de Dieu en nous à travers les millénaires. C’est plutôt une compréhension progressive, puisque le SE habitait déjà le cœur des premiers hommes…

C’est le parcours de toute notre vie de réaliser à quel point Dieu est au cœur de ce que nous sommes, au cœur de ce qu’on traverse comme épreuves, joies, moments importants… Jusqu’au soir de notre vie quand on traversera la mort pour la rencontre avec le Créateur. C’est le sens de cette vigile de Pentecôte : réaliser que la lumière qu’on portait dans nos mains à la Vigile de Pâques se trouve en fait en nous. Dieu ne nous laisse jamais seul, on est capable de traverser n’importe quelle nuit avec cette lumière intérieure qu’est le Saint-Esprit répandu en nous.

Ce soir, demandons au Seigneur l’effusion du Saint-Esprit pour devenir nous-mêmes porteurs de lumière au milieu de l’obscurité du monde, de ce monde que Dieu est venu sauver !

Amen. Alléluia !