Ascension 2023

Homélie donnée à l’occasion de l’ouverture du congrès national annuel des compagnons tailleurs de pierres.

Chers amis,

Si j’ai bien compris, dans votre tradition de tailleurs de pierres, il y a un lien entre le métier que vous exercez et votre quête spirituelle. L’âme est comparable à la pierre que vous avez entre vos mains. Le but est de travailler patiemment une matière brute pour en faire un objet affiné, et harmonieux avec ce qu’il l’entoure. Ainsi, l’âme a besoin d’être façonnée pour devenir de plus en plus belle et harmonieuse avec son environnement.

Si j’évoque ce petit exemple, c’est qu’il a un lien très fort avec ce qu’on fête aujourd’hui : l’Ascension du Seigneur. Comme on vient de l’entendre dans les lectures, Jésus monte au ciel avec son corps ressuscité, et il nous garantit qu’il sera pour toujours avec nous, mais d’une autre manière ; notamment en nous envoyant le Saint-Esprit.

Aujourd’hui, on a donc les yeux élevés, tournés vers le ciel, contemplant Jésus. C’est ce que cherche à faire le chrétien dans toute sa vie : opérer une élévation du regard, une élévation de l’âme pour goûter petit à petit, plus intensément, au Mystère de Dieu. Notre objectif de vie est bien entendu de prendre sa part de bien commun dans le monde, de travailler et de trouver le bonheur. Mais ça ne peut pas se faire sans l’intime décision de s’élever petit à petit. L’élévation, c’est un mot qui vient du grec ἀναγωγή, et qui a aussi donné le mot « anagogie ». Dans l’antiquité, les anagogies étaient des célébrations pour fêter le départ d’une divinité vers un autre lieu. Ça a donc influencé une tendance théologique, et un mouvement spirituel qui vise à élever son âme vers les réalités supérieures, les réalités célestes.

De ce fait, on peut dire qu’on fête aujourd’hui une anagogie chrétienne. Pourquoi ? Jésus, en quittant la terre, invite ses disciples à continuer la vie d’ici-bas en attendant sa venue et le don du Saint-Esprit. Mais il invite aussi à avoir une vigilance intérieure pour désirer le Royaume de Dieu, pour garder un pied dans notre destinée finale. Autrement dit, notre vie doit devenir un subtil équilibre qui permet le perfectionnement de notre être tout entier, d’un côté en vivant avec intensité notre condition matérielle en ce monde, et de l’autre en élevant nos désirs spirituels vers les biens éternels. Les deux mouvements se nourrissent l’un et l’autre, pour travailler notre personne à la manière dont vous travaillez vos pierres.

Un des fruits de cette quête, et du mystère de l’Ascension qu’on célèbre aujourd’hui, c’est la foi. On trouve et reçoit la foi dans ce long et fastidieux travail sur soi. Si Jésus disparaît à nos regards en nous promettant d’être présent à chaque instant avec nous, et de revenir dans la gloire à la fin des temps, c’est qu’il veut prendre soin de notre liberté – condition essentielle pour construire une relation authentique et profonde -. Il veut nous permettre de le chercher librement, par nous-mêmes, par l’avancée progressive dans la foi. Cette foi qui n’est autre que le point de contact entre Dieu et l’homme, et que nous venons approfondir tout particulièrement aujourd’hui.

Amen.

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