Chers frères et sœurs,
L’Évangile des pèlerins d’Emmaüs, c’est du vu et revu, presque du réchauffé… On l’a quand-même jusqu’à 3x en 2 semaines… Et pourtant, en le relisant, un verset m’a inspiré : « Il entra donc pour rester avec eux. » Ça m’a permis de faire un rapprochement avec un autre passage d’Évangile… C’est le même processus qu’avec la Samaritaine. Je m’explique. Jésus rejoint quelqu’un – la Samaritaine ou les disciples d’Emmaüs – ; il leur parle d’une manière tout à fait ordinaire ; et puis, à un moment donné, il y a un petit quelque chose qui déclenche la rencontre véritable avec lui, l’expérience de sa divinité. Pour la Samaritaine, c’est la révélation d’un élément de sa vie qu’elle essaye de dissimuler, et pour les disciples d’Emmaüs, c’est l’Eucharistie. Ce n’est qu’après, à la lumière de cette rencontre particulière, qu’ils peuvent comprendre que ça leur a chauffé le cœur petit à petit. Autrement dit, il faut un long temps d’éveil spirituel avant de déclencher une conversion.
Ça nous montre bien qu’on a tout un potentiel spirituel en nous. Il suffit de laisser le Seigneur entrer pour faire l’expérience de sa rencontre, comme chez les disciples d’Emmaüs, ou chez la Samaritaine. Pour nous, le but, c’est de déployer ce potentiel, chacun à sa manière. Et pour ça, on peut partir de 3 questions.
- On a un héritage
Qu’est-ce qu’on a sous la main ? On a un héritage. Ou plutôt deux. C’est ce qu’explique St Pierre dans la 1ère lecture : on est héritier de la promesse faite à David et de la promesse de Jésus. D’abord, Dieu promet à David de trouver un successeur sur son trône. C’est la promesse de l’AT. En faisant quelques raccourcis, on peut le voir comme la promesse de l’immortalité, de la vie qui n’a pas de fin. Et la 2ème, c’est celle que fait Jésus, de prolonger sa venue par l’Esprit Saint. « Élevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père l’Esprit Saint qui était promis, et il l’a répandu sur nous, ainsi que vous le voyez et l’entendez. » Non seulement l’ES est une continuité de sa présence, mais en plus il nous fait retrouver progressivement la ressemblance avec Dieu, la ressemblance des origines. En bon gardien de la foi, St Pierre nous redonne l’héritage promis par Dieu : l’espérance de la vie éternelle.
- On est étranger
Comment déployer cet héritage ? Parce que la situation n’est pas très simple ! Si on en croit la 2ème lecture, toujours de St Pierre, on est des étrangers : « Vivez donc dans la crainte de Dieu, pendant le temps où vous résidez ici-bas en étrangers. » Être en terre étrangère, ce n’est pas une situation confortable, et on n’a pas autant de droits que les locaux… Eh bien, peut-être que c’est justement une chance pour nous !
Si on est des étrangers, c’est qu’on attend de rejoindre la patrie céleste. Cet héritage que le Seigneur nous donne, c’est de commencer dès maintenant la vie éternelle ! C’est ce qui nous donne un petit côté pèlerin, comme les disciples d’Emmaüs. On est dans ce monde, tout en n’étant pas de ce monde. L’appartenance au Royaume de Dieu nous place donc dans une situation ambivalente où il faut s’occuper à la fois des biens terrestres, immédiats ; et à la fois des biens célestes futurs, en ayant dès à présent une action dessus. Déployer sa spiritualité comme des étrangers, c’est croire qu’une action bégnine immédiate, qu’elle soit bonne ou mauvaise, a des conséquences éternelles.
- On a besoin de temps
De quoi a-t-on besoin ? De temps. Parce que le temps est un facteur déterminant pour une conversion véritable. C’est ce qui fait que Jésus dit aux disciples : « Comme votre cœur est long à croire tout ce que les prophètes ont dit ! » C’est aussi au cours d’un long dialogue que la Samaritaine fait une conversion totale.
Pour des évènements importants de la vie, nous aussi, on a besoin de ce temps pour réaliser ce qui nous arrive. Par exemple, à l’occasion d’un deuil, d’un traumatisme, ou de l’accomplissement d’un rêve… Pour une conversion intérieure, on a besoin de temps. D’ailleurs, si on apprend à relire sa vie spirituelle régulièrement, on peut voir qu’on a régulièrement des conversions ; et qu’à chaque fois, on a l’impression de faire l’expérience de l’amour de Dieu comme jamais. C’est le temps de la marche. C’est le temps d’une réconciliation intérieure avec l’abandon d’une vieille croyance, l’abandon de préjugés, pour laisser place à la réalité qu’on ne veut pas forcément voir, mais qu’il faut bien accueillir un jour. Le juge le plus intransigeant et le plus dur qu’on doit affronter chaque jour, et qu’on aura à redouter à la fin de sa vie, c’est soi-même. Parce qu’on est lent à croire ! On a besoin de temps pour apprivoiser ce juge, pour lui montrer que tout est possible avec la foi…
Conclusion
Est-ce que vous imaginez le potentiel spirituel que vous avez en vous-mêmes ? Il est gigantesque ! Bien trop souvent, on se limite à voir ou à faire ce qu’on croit voir ou ce qu’on croit pouvoir faire. Mais la personne humaine est bien plus que ça ! Récemment, j’ai regardé l’enseignement d’un coach sportif. Dans la vidéo, il explique que pour les athlètes qu’il entraîne, il est obligé de travailler leur foi. Avant une compétition, il leur fait systématiquement visualiser la victoire.
On peut faire un rapprochement avec l’expérience spirituelle de l’amour de Dieu. On a tous en soi le potentiel pour élever son âme. On est fait d’une matière visible, et d’une réalité invisible qu’on appelle « âme » chez les chrétiens. On a donc tous cette possibilité de faire l’expérience de Dieu dans sa vie. Le véritable procédé du sceptique est d’explorer ce qui est possible et non pas ce qui est impossible.
La conversion et la rencontre intime de Dieu sont une question de foi et de disposition du cœur. À chacun de sonder son âme et de chercher celui qui se laisse trouver.
Amen.