Chers frères et sœurs,
En lisant cette 1ère lecture, j’ai la chanson « Rouge » de Goldman qui m’est venue en tête… « Y aura des jardins, d’l’amour et du pain ; Des chansons, du vin, on manquera de rien ; Y aura du soleil sur nos fronts ; Et du bonheur plein nos maisons ; C’est une nouvelle ère, révolutionnaire… » Franchement, ça fait rêver ! On nage dans le bonheur tous ensemble, à tel point que dans Ac : « Ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun. » Et tous les jours, il y a des nouvelles recrues qui les rejoignent… C’est merveilleux !
Bon, quand on poursuit la lecture des Actes de Apôtres, on se rend bien compte que ce n’est pas si simple que ça ! Les bons sentiments du départ doivent laisser place à un peu d’organisation plus froide et protocolaire. C’est peut-être une étape qui a manqué à tous ces régimes politiques ou ces communautés religieuses qui ont mal fini. Quand l’idéal se confronte au réel, il est facile de glisser dans l’autoritarisme et les abus sous de multiples formes. Mais dans le cas de l’Église, pourquoi est-ce que ça dure depuis deux millénaires ? J’y vois deux raisons principales. La première, c’est que l’Église est l’œuvre de Dieu lui-même, donc bien qu’elle soit composée de pécheurs, elle est dans de bonnes mains, c’est Dieu qui mène la barque. Et la deuxième raison, c’est qu’on vient dans l’Église pour quelque chose de particulier…
- Chercher une croissance spirituelle
Un des plus grands trésors que le Seigneur nous a donné sur terre, c’est l’amitié. Elle est l’icône de l’amour gratuit que Dieu a pour chacun. Et toute amitié dont on fait l’expérience, est vouée à grandir. Parce que dans une amitié, on s’édifie l’un et l’autre, on apprend à se connaître, on a un alter-égo qui permet de grandir humainement, spirituellement, affectivement… L’amitié, c’est un partage d’âmes. Donc, dans notre relation avec le Seigneur, il y a quelque chose de l’amitié. Cet amour est appelé à se développer et à prendre de l’ampleur, avec la grâce de l’ES que Jésus donne dans l’Évangile.
Et quoi de mieux, pour développer une belle relation, que d’apprendre à se connaître, et d’entendre d’autres personnes parler de cet ami ? C’est la 1ère chose qu’on nous explique dans les Ac : « Les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres ». On fréquente l’Église pour y trouver une croissance spirituelle, une amitié plus profonde et intense avec le Seigneur. Ça se fait avec ce qu’on peut apprendre d’elle, avec son enseignement depuis ses début, sa Tradition…
- Former une fraternité
C’est ce qu’on cherche au sein de l’Église, bien souvent sans même s’en rendre compte. Dans Ac, c’est ce qui vient juste après : « Les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle ». Autant on ne peut pas être ami avec tout le monde, autant on peut avoir une relation fraternelle avec tous. L’amitié est un choix mutuel qu’on fait, un cadeau qu’on s’offre réciproquement. La fraternité, elle, c’est un don qu’on reçoit ; on ne choisit pas sa famille. La fraternité implique donc plus de contraintes, un devoir mutuel de bienveillance et de soin de chacun des membres. Ici, nous sommes frères et sœurs non pas par le sang, mais par les sacrements [et par la promesse scoute]. Bien qu’elle soit parfois un poids, la fraternité est aussi la source de dépouillement et de retour à l’authenticité ; c’est ce qui fait que dans les Actes des Apôtres, « ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ».
C’est un des intérêts de la messe du dimanche, et des petits groupes chrétiens qu’on forme à côté. Le but est d’y expérimenter cette communion fraternelle. Même si on ne s’en rend pas forcément compte, on y fait l’expérience de l’amour du Christ pour son Église. Et ça, c’est très fort !
- Transcender notre existence
« Les frères étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. » La fraction du pain et les prières… Le Pape François a dit lui-même en 2013 : « l’Église n’est qu’une ONG [pitoyable/compatissante] si elle ne suit pas le Christ. » Bien au-delà de tout ce qu’elle peut nous apporter en biens spirituels ou fraternels, l’Église a pour vocation d’annoncer Jésus-Christ et de mettre en relation avec lui. C’est ce qui fait le cœur de notre appartenance à l’Église : Jésus-Christ. À travers la vie sacramentelle, la vie de prière, l’intériorité, on honore ce lien unique avec le Christ, époux de l’Église. C’est dans ce lien extraordinaire que la foi transcende toute notre existence ! Et même si c’est difficilement perceptible, c’est ce qui nous inspire et donne du sens au quotidien. C’est ce qui fait dire à St Pierre : « Aussi, vous exultez de joie, même s’il faut que vous soyez affligés, pour un peu de temps encore, par toutes sortes d’épreuves. » Notre joie véritable, c’est que Jésus-Christ a changé nos vies. Il a changé ma vie, a changé votre vie.
Conclusion
Alors, pourquoi ça marche si bien, l’Église ? Comme dans la lettre à Diognète, un écrit des 1ers siècles, on compose comme on peut avec la faiblesse humaine ; et on a surtout les yeux tournés vers notre nouvelle citoyenneté reçue au baptême : le Ciel. On va recevoir « un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure. » Un héritage qui nous « est réservé dans les cieux ». Quand on a les yeux tournés vers notre destinée éternelle, et les pieds ancrés dans le réel, avec tout ce qu’il comporte de lourd et d’imparfait, on peut faire l’expérience de la joie d’aimer l’Église pour ce qu’elle est, ni plus ni moins. L’Église n’a pas d’autre ambition que de faire connaître le Christ, son époux, et de l’honorer par sa liturgie et sa prière. À la fin de la messe, on devrait donc être rayonnants comme des époux qui sortent de l’église après leurs noces… ça s’appelle la joie pascale !
Amen.