Chers frères et sœurs,
Comme on l’enseigne dans les formations de formateurs, l’art de la pédagogie, c’est de répéter les choses, n’est-ce pas ? Et justement, les lectures de ce 3ème dimanche de carême invitent encore à la conversion. On peut y reconnaître, comme la semaine dernière, un processus de conversion en 3 étapes comparables, en changeant juste le décor. Le Seigneur nous y enseigne un chemin de transformation intérieure, avec une dimension plus factuelle, plus concrète. Parce que la conversion, c’est quand-même le but de ces quarante jours de pénitence, de jeûne et de prière. Et comme toute bonne conversion efficace qui se respecte, on commence avec un caillou dans la chaussure, avec un grain de sable dans l’engrenage. On appelle ça l’épreuve…
- L’épreuve
Si on se lançait sur un petit sondage à main levée, je suppose que personne ici ne serait volontaire pour subir une épreuve, là, maintenant, tout de suite. En-dehors du sport ou des examens, l’épreuve est en général subie, et on ne la souhaite à personne. Et pourtant, dans l’AT, l’épreuve est un leitmotiv de l’union à Dieu. C’est le lot des hébreux qui finissent par trouver le désert un peu sec, et l’Égypte un peu loin. Leur confiance dans le Seigneur vacille et ils se demandent : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » tant et si bien que Moïse appelle particulièrement ce lieu Massa et Mériba : Épreuve et Querelle.
C’est peut-être aussi notre sentiment ce dimanche, à mi-parcours. La rengaine du thème de la pénitence à travers les lectures, la couleur liturgique, les efforts qu’on s’est fixé… C’est le moment où on peut trouver une certaine monotonie ou longueur dans la marche. Dans la tradition spirituelle chrétienne, l’épreuve est un seuil de décision : est-ce qu’on l’accepte et elle devient un nouveau départ ; ou bien est-ce qu’on la refuse et on se rebelle au point de mettre le Seigneur lui-même à l’épreuve ? Quelle décision l’épreuve du carême m’invite-t-elle à prendre pour susciter une conversion ?
- Le dialogue
La conversion est double. Le 1er à se convertir, c’est d’abord Dieu. Il se retourne, il change de chemin, pour chercher la brebis égarée ; en l’occurrence, dans notre Évangile, la Samaritaine. Ce dialogue est extraordinaire, c’est un cadeau. On y apprend la pédagogie divine : Dieu qui prend le temps, pas à pas, de rendre lumineuses nos zones de ténèbres pour qu’on y renonce tout seul. Il respecte tellement profondément la liberté de chacun, comme avec la Samaritaine, qu’il n’y a aucun jugement de sa part, seulement une mise en lumière. Dieu se convertit pour nous rejoindre.
Et puis la 2ème conversion c’est chacun qui doit la décider, comme la Samaritaine. On peut prendre une autre image tout aussi fine, avec le livre de l’Apocalypse dans lequel Dieu nous sollicite délicatement : « Voici, je me tiens à la porte et je frappe. » Ap3,20. Le dialogue, avec Dieu permet de lui céder petit à petit la place pour le laisser entrer. Et ce dialogue est tellement puissant, qu’il pousse à la parole. C’est ce qui donne la force du témoignage à la Samaritaine. C’est dernière étape du dialogue : « Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus, à cause de la parole de la femme qui rendait ce témoignage. » Le dialogue invite à une double conversion, on pourrait dire à une convergence de deux chemins : celui de Dieu et le nôtre. Et la fin du processus de conversion est systématiquement féconde, la conversion s’achève sur le témoignage.
- La grâce
On peut avoir peur de la conversion, à cause des renoncements et des combats intérieurs qu’elle entraine. Mais une fois réalisée, elle laisse place à la paix intérieure. C’est le climat propice au déploiement de la grâce. « Nous voici en paix avec Dieu […], lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis. » La grâce de Dieu, c’est un thème cher à St Paul. Et quand on en parle entre chrétiens, on a du mal à voir concrètement ce que c’est. On parle de la grâce comme un cadeau : « le Seigneur donne des grâces ; j’ai reçu la grâce de … »
Si on devait l’illustrer avec une petite image, on pourrait dire que c’est comme les personnes qui font le ménage dans des locaux, les fées du logis. Elles passent discrètement sans qu’on le sache, elles font un travail efficace, et disparaissent avant que les lieux ne retrouvent leur affluence quotidienne. Quand on arrive, ça sent bon, c’est bien rangé et propre, on se sent bien… Mais pour autant, on ne fait pas toujours attention à ce travail précieux, parce que ça nous semble normal. La grâce de Dieu agit de la même manière. C’est une présence efficace qui laisse un parfum de paix, de joie, de bienveillance, etc. C’est important d’apprendre à identifier ces signes, pour reconnaître son passage !
Conclusion
Lors de cette étape de mi-parcours, frères et sœurs, ne cédons pas au découragement et à la tranquillité. Dieu veut nous donner à chacun une nouvelle conversion, un nouveau départ. Puisse l’exemple de la femme de Samarie être pour nous un modèle progressif d’ouverture à la grâce de Dieu. Dans un célèbre passage de sa vie,Saint Dominique a fait la même expérience avec un aubergiste. Avant de lui parler de la foi, il l’a d’abord rejoint dans son quotidien en s’intéressant à lui et en discutant sur le terrain commun de la raison. C’est seulement après qu’il lui a parler du Seigneur.
Prenons conscience que cette conversion que suscite le carême, est un lieu de grâce pour nous et pour les autres ; parce qu’une conversion est féconde, elle porte au témoignage. Les agences de communication ont bien compris ce principe. Quand on voit l’effet du produit, on a très envie de l’acheter. Sauf que nous, on n’a pas un produit à vendre, on a plutôt quelqu’un à rencontrer et à faire rencontrer…
Amen !
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