Chers frères et sœurs,
En regardant un petit reportage sur les sous-marins, j’ai fait quelques rapprochements avec la vie spirituelle, et particulièrement avec le carême. Avant d’évoluer en eaux profondes, il y a plusieurs étapes. La première, elle s’effectue sur la terre ferme, en préparant l’équipage et le contenu de ce qu’on embarque pour la mission, et en faisant un dernier check-up pour voir si tout est prêt à l’intérieur. C’était dimanche dernier. Le Seigneur nous donnait le sens du carême, et les bases pour démarrer de manière mesurée, efficace et cohérente, en composant avec ce que chacun est. La deuxième étape, c’est de quitter le quai et d’atteindre une distance raisonnable pour commencer à plonger progressivement. Ce dimanche, donc, le Seigneur nous invite à faire un pas de plus pour atteindre les grandes eaux, et découvrir la feuille de route. On pourrait l’appeler la vocation. Comme le dit saint Paul dans la 2ème lecture : « Il [Dieu] nous a appelé à une vocation sainte. » Cette vocation sainte, elle se révèle d’une manière propre à chacun, en passant par 3 grandes étapes spirituelles : le détachement des mondanités, l’attachement au Seigneur, et le don de soi.
- Quitte ton pays – le détachement
Dans la Bible en général, et dans l’histoire de la spiritualité, le premier mouvement est un détachement important. Un des plus célèbres et anciens, c’est celui que Dieu adresse à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. » Résultat évident et presque naturel : « Abram s’en alla, comme le Seigneur le lui avait dit. » Toutes les histoires de vocations ont le même scénario de départ, et la même promesse en attente : « Et tu deviendras une bénédiction. Je bénirai ceux qui te béniront. » Le détachement initial apporte au final un bienfait supérieur.
Ce détachement, on est invité à y réfléchir cette semaine. À quoi suis-je attaché dans ma vie ? Quel est le port d’attache qui me donne un sentiment de sécurité et qui pourtant n’est pas aussi essentiel que je ne l’imagine ? Quelle est l’offrande que je peux prendre sur mon indigence et présenter au Seigneur, à l’image de la veuve qui donne sa piécette ? Du carré de chocolat avec le café à la demi-heure ennuyeuse au téléphone avec une personne qui a besoin d’attention, en passant par l’effort financier ou le repas jeûné, on a tous matière à se lancer un défi qui nous coûte. Quel détachement concret puis-je offrir au Seigneur dans les semaines qui viennent ?
- Écoute-le – l’attachement
Une fois qu’on s’est détaché, il y a un vide, une place à offrir. Il ne s’agit pas de remplacer un détachement par un autre attachement aussi futile. Le but est quand-même de s’attacher un peu plus à Dieu. C’est ce qu’ont vécu Fabrice et Eugénie qui sont sortis de leurs conforts pour pousser la porte de l’Église. C’est un sacrifice de la volonté, de temps, de tranquillité, pour s’attacher à Jésus-Christ. C’est ce même attachement qui pousse les Apôtres à suivre Jésus sur la montagne. Malgré l’effort de la montée, et la gestion compliquée de leurs personnalités différentes, ils sont heureux de goûter un petit instant d’éternité avec Jésus. À tel point que St Pierre s’exclame : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » Même ”la voix qui vient du ciel” leur partage son sentiment : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie : écoutez-le ! »
Par exemple, la libération de 5 min de temps de réseaux sociaux chaque jour, peut permettre 5 min pour lire un petit passage d’Évangile et s’attacher un peu plus à Jésus et à son enseignement. La libération du budget viennoiseries du weekend peut permettre une réorientation de ce budget à la quête du dimanche, pour le fonctionnement de la paroisse. Etc. Pour qu’un effort soit bénéfique, il lui faut un but, une destination.
- Prends ta part des souffrances – le don de soi
« Fils bien-aimé, avec la force de Dieu, prends ta part des souffrances liées à l’annonce de l’Évangile. » Cette recommandation de St Paul est un peu rugueuse ! Normalement, l’attachement à Jésus-Christ et à son Évangile, ça rend heureux, paisible, ouvert, harmonieux… Quand on est commercial, on ne vend pas les défauts de son produit… Parce que le produit est forcément parfait ! Il faut donc ajouter la suite de l’idée de St Paul : « Il a fait resplendir la vie et l’immortalité par l’annonce de l’Évangile. »
Autrement dit, quand on se détache de notre vieil homme intérieur, et qu’on s’attache au nouvel homme : Jésus-Christ ; c’est une phase qui coûte beaucoup, mais qui illumine. Le fait de s’attacher à Jésus provoque son imitation. Et qu’est-ce qui a rendu Jésus profondément heureux ? C’est de nous aimer jusqu’au bout, jusqu’à la croix. Le fait de l’aimer en retour pousse à aimer les autres et à se donner, comme lui, jusqu’au bout. Voilà ce qui rend heureux et lumineux, ce qui conduit à l’immortalité.
Conclusion
Dieu appelle. Dieu vous appelle. Dieu nous appelle. La vocation sainte, c’est l’appel à réaliser ce pour quoi on est fait. La vocation sainte, c’est l’unité intérieure et la communion avec Dieu. C’est une histoire « d’être » avant de « faire ». Mais pour pouvoir être, il faut passer par le faire. La voie plurimillénaire qui nous est enseignée dans l’histoire sainte du Peuple de Dieu, et qui a été réalisée en plénitude en Jésus-Christ, c’est le mouvement de détachement, d’attachement et de don de soi. C’est une sorte de mouvement de respiration. C’est le rythme dans lequel sont entrés nos catéchumènes : le détachement du monde, l’attachement à Jésus, pour finir par le don de soi à Dieu dans le baptême.
Puisse cette semaine, être pour chacun, l’occasion de se remettre à l’écoute de Dieu pour relire la vocation qu’il nous a adressée, et les moyens qu’on a pris pour y répondre. Puisse-t-elle aussi être l’occasion d’y entendre de nouveaux appels.
Quel port le Seigneur m’invite-t-il à quitter pour rejoindre les eaux profondes ?
Amen.