Chers frères et sœurs,
Comme vous le savez, « carême » vient de « Quarante ». C’est le temps de la libération du peuple hébreu dans le désert ; et le temps des tentations de Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui. Ce chiffre, on le retrouve à d’autres endroits, comme avec Noé… 40 est un chiffre biblique qui symbolise l’épreuve pour se préparer à une nouvelle alliance avec Dieu. L’objectif de notre carême chrétien est donc de vivre une forme d’épreuve pour se préparer à Pâques, à une nouvelle union avec Dieu.
Si on reprend les 40 ans du peuple hébreu dans le désert, on peut voir qu’ils apportent deux bénéfices majeurs qu’on recherche aussi dans notre carême. Ils servent à expérimenter la libération, et à sentir plus intensément la tendresse de Dieu. Autrement dit, le carême n’est pas un résidu de jansénisme qui appelle à se mortifier pour expier quelque péché, ni un temps pour souffrir afin de mieux apprécier les choses de la vie après. C’est un temps de grâce durant lequel on se prépare à célébrer la Pâque du Christ ; cette même et unique Pâque mémorable qu’on a vécue personnellement pendant notre baptême. Le carême est un temps de grâces !!!! Alors, pour le vivre au mieux et pour qu’il soit vraiment bénéfique, voyons comment organiser les efforts.
- Honorer ses responsabilités
On cherche toujours une multitude de résolutions, comme au 1er de l’an. Mais l’expérience d’Adam dans le récit de la chute qu’on a écouté dans la 1ère lecture, c’est justement l’abandon de poste, la négligence. Il a été désigné comme gardien de la création, et il ne dit rien quand Ève se fait berner par le serpent, alors qu’il est à côté d’elle et qu’il accepte de manger lui aussi du fruit défendu.
Le 1er objectif qu’on peut se fixer en début de carême, avant même d’imaginer plein de belles choses, c’est de revenir à ses responsabilités de chrétien. Et les responsabilités qu’on a, en tant que cocréateurs et gardiens de la création, c’est de prendre soin de soi et de son environnement. Quand on comprend que c’est le début, on peut remettre les choses dans le bon ordre, et accomplir sereinement son devoir d’état. La tentation qu’on a souvent, c’est la fuite de ses propres responsabilités. Un petit dicton dit ceci : « le religieux qui ne veut pas changer son cœur cherche d’abord à réformer le couvent. » La première étape du carême peut donc être de refaire le tour de ses responsabilités et de ses engagements, pour voir s’il n’y a pas un peu d’ordre à y remettre. C’est déjà un effort conséquent !
- Accueillir la grâce de Dieu
Saint Paul refait le tour de la question du péché originel pour dire que c’est dramatique, mais que ça n’est pas le tout de notre existence. Le point central, c’est Jésus-Christ. Le centre de notre foi, c’est le Salut que Dieu nous offre par Jésus Christ : « Combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude, cette grâce qui est donnée en un seul homme, Jésus Christ. » L’amour de Dieu est tel que si on parle de péché, on parle forcément de Rédemption, d’un plan B pour s’en sortir. Dieu a tout donné lors de la Création, et il redonne tout en se donnant lui-même lors de l’Incarnation.
Dans les efforts qu’on réalise pendant le carême, on a tendance à s’appesantir sur leur côté pénible. Si on offre au Seigneur ces efforts, si on lui offre leur pénibilité, à chaque fois, on se met dans une attitude bien plus réceptive pour accueillir sa grâce. C’est le grand cadeau à chercher pendant ces 40 jours. « Si, en effet, à cause d’un seul homme, par la faute d’un seul, la mort a établi son règne, combien plus, à cause de Jésus Christ, et de lui seul, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent en abondance le don de la grâce qui les rend justes. »
- Pratiquer intelligemment l’ascèse
Pour accueillir la grâce de Dieu, on a beaucoup d’embûches sur le chemin ! Le Malin cherche à nous écarter de l’amour de Dieu, c’est sa grande cause. Comme il n’est qu’orgueil, il est totalement opposé et allergique à Dieu qui n’est qu’amour. Alors, il tente en permanence de nous rendre comme lui, orgueilleux. L’Évangile d’aujourd’hui nous en enseigne beaucoup sur sa stratégie. Si on fait la somme de tous les péchés, on peut les ramener à trois grandes tentations qui sont trois formes différentes de l’orgueil : l’opulence, la défiance, et la domination. La réponse de Jésus au désert se fait donc par trois moyens très concrets : le jeûne, la prière, et l’aumône. C’est ce qui nous a aussi été enseigné concrètement dans l’Évangile de mercredi, par Jésus lui-même. Ces trois ascèses sont une manière de réunifier notre être tout entier. Par le jeûne, on retrouve un juste rapport au corps ; par la prière, on réinvestit notre être spirituel ; et par l’aumône, on assainit notre rapport aux autres et au monde. L’ascèse doit être vécue dans cet esprit de libération des tendances orgueilleuses qui nous habitent. Elle doit se faire dans la charité pour mieux accueillir la grâce de Dieu, sinon elle est vaine.
Conclusion
Le carême étant une préparation à une nouvelle alliance personnelle et communautaire avec Dieu, il est normal qu’il soit parsemé de difficultés. Pour autant, ce n’est pas une raison pour se laisser aller à la tristesse et au repli sur soi. Si le carême est un temps de grâce et d’expérience de la tendresse de Dieu, ça doit se voir ! Quand on reçoit des grâces, on est généralement heureux, ça peut se lire sur un visage. Soignons d’abord notre apparence quand on vient à la messe le dimanche, quand on jeûne et qu’on se prive. Être libre et détaché de ce qui nous tracasse, ça rend heureux ! On n’aura qu’un moment de tristesse, ça sera pendant le Tridiuum Pascal, quand Jésus va souffrir sa Passion. Mais là, on connaît la fin de l’histoire, donc ça sera plus simple.
Chers frères et sœurs, ayons l’air d’attendre Pâques, que ça se sente et que ça se voit sur nos visages ! Amen !