Chers frères et sœurs,
Vous savez que ce samedi, c’est la journée mondiale de la santé et des malades, ce qui influence fortement notre dimanche. C’est curieux que lorsqu’on entende le mot « santé », on visualise quelque chose de médical, et qu’on associe aussitôt le concept de maladie. C’est l’aveu que la santé est un bien précieux qui n’est pas donné à tout le monde, et qui nécessite quand-même des structures de spécialistes en blouses blanches, dans des grands bâtiments industriels où on tente de produire un bien invisible, fragile et rare…
Au fait, d’où vient ce mot « santé » ? En réalité, il vient de très loin. Après beaucoup de généalogie verbale, on pourrait dire que santé signifie « conserver entier, ensemble ». Et qu’est-ce que l’ensemble, l’entier ? C’est la racine qui a donné le mot « corps ». Notre corps est un entier dont on doit prendre soin en préservant son unité et son unicité. Voilà ce qu’est fondamentalement la santé. C’est le retour à l’état sain et saint, l’état des origines. A contrario, « malade », en poussant aussi l’étymologie, vient de « tempête, vague, tremblement, oppression… » l’attitude des Apôtres dans la barque pendant la tempête…
Et si la santé, avant d’être un état conservé par des prouesses techniques, était d’abord un état spirituel engendré par une vie intérieure harmonieuse ?
- L’homme est créé pour la vie
Dans sa chanson « Bonne idée », Jean-Jacques Goldman fait l’éloge de la puissance de vie qu’on a développée un jour, presque par miracle « Qu’importe si j’ai gagné la course, et parmi des milliers ; Nous avons tous été vainqueurs, même le dernier des derniers. » Tout a commencé par la fusion de 2 cellules venant de 2 personnes différentes… Notre vie a commencé dans la victoire d’une compétition !
La vie, c’est l’arbre que Dieu place au centre du jardin d’Eden. On en a entendu le récit dans la liturgie de cette semaine. Puis, juste après la chute, et juste avant d’être renvoyés du jardin d’Eden, « l’homme appela sa femme Ève (c’est-à-dire : la vivante), parce qu’elle fut la mère de tous les vivants. » Même si l’homme n’est plus dans le jardin originel où il peut puiser la vie même de Dieu directement à son arbre, il est dans ce monde avec la puissance vitale en lui. On est créé pour la vie. C’est central dans notre existence, quels que soient nos problèmes et nos conditions.
- Mais il est inflammable au péché
De même que l’eau et l’huile ne peuvent pas se mélanger, l’amour et la haine sont incompatibles, la charité et l’orgueil sont incompatibles, la lumière et les ténèbres sont incompatibles… Donc, dans Dieu qui est tout amour, il n’y a aucune zone d’ombre ; parce que c’est incompatible avec Dieu. Et ce qui est incompatible avec Dieu, c’est ce qu’on appelle le péché. Là où on met de l’énergie à cacher, à dissimuler, à se justifier, … Dieu n’est pas présent. C’est une tendance de mort en nous. On a tous cette inclination au péché qu’on explique de manière imagée avec le récit de la chute dans la Gn.
Cette tendance morbide du péché sème la tempête, l’instabilité et l’oppression, c’est le chaos intérieur… c’est la maladie de l’âme. Or, st Paul nous dit que « L’Esprit scrute le fond de toutes choses, même les profondeurs de Dieu. » L’ES est celui qui nous permet d’infléchir cette tendance de mort en nous-mêmes. Il est le remède vital. Si on le laisse passer dans ce qui est ténébreux, il rend notre cœur résistant au péché en le comblant de charité. Charité qui est d’ailleurs la matière 1ère avec laquelle notre cœur est modelé dès l’origine.
- Alors, Jésus réunifie ce qui est dispersé
Dans l’Évangile, contrairement à ce qu’on pourrait penser au 1er abord, la Loi n’est pas incompatible avec la prédication de Jésus. Par contre, seule, elle est vouée à la perte, de la même manière que le désordre. Une loi appliquée sans l’intelligence du cœur est aussi desséchante que l’abandon total des lois et des règles. Dieu n’est ni dans l’aridité, ni dans le chaos. Parfois, on peut trouver que certains principes de l’Église, certaines règles, sont superficiels ou rigides. Pourtant, ils sont inspirés des Écritures et de notre longue Tradition. C’est bien souvent notre regard qu’il faut changer pour comprendre ce qui est libérant en eux, pour comprendre qu’ils amènent au bonheur.
A travers son enseignement, Jésus invite à une unité intérieure de toutes nos zones de l’être : le corps, les émotions, l’esprit, l’intelligence et le cœur. Le travail du diable, comme son nom l’indique, est de diviser. Mais le trésor de la personne humaine est d’être une entité unique et unifiée. Par son enseignement et par son ministère, Jésus réuni ce qui est dispersé. On peut dire qu’il nous réconcilie avec nous-mêmes.
Conclusion
A l’heure où les lois de l’État sur la fin de vie sont en discussion, l’Église de France nous demande de jeûner et de prier. Pourquoi ? Parce que les solutions trop simples à des problèmes si complexes, sont souvent les plus déshumanisantes. Chaque personne est sacrée, elle est sanctuaire de la présence de Dieu. Pourquoi en est-on arrivé aujourd’hui à une société semblable à celle de Jésus, où on écarte la personne dépendante et la personne souffrante, de la même manière dont on écartait les lépreux et les estropiés ? « Vous êtes dérangeants pour la société, vous ne nous permettez pas notre fonctionnement aseptisé, vous n’êtes pas rentables, restez en périphérie… » Aujourd’hui, le Christ vient nous montrer que le problème est d’abord dans notre cœur, à chacun. La souffrance et la maladie font partie de notre monde. Et même si elles n’étaient pas prévues dans le dessein bienveillant de Dieu, il veut les visiter pour en triompher. Le sacrement des malades est une des réponses qui sollicite la générosité de l’Église. A chacun de sonder son cœur pour y trouver une réponse plus personnelle.
Amen.