4ème dimanche du temps ordinaire année A 2023

Chers frères et sœurs,

En général, quand on entend le mot « pauvre » arriver à nos oreilles, c’est rarement positif… Et pourtant, une des qualités principales que les disciples apprennent auprès de Jésus, c’est la pauvreté. C’est d’ailleurs une étape spirituelle que nous enseignent nombre de grands saints. Alors, si c’est dans un sens positif, de quelle pauvreté parle-t-on ?

La pauvreté, c’est ce qui est fragile en nous, c’est ce qui laisse la porte ouverte à l’humilité et à la douceur. St François de Sales dit que la fleur de la charité, c’est l’humilité et la douceur ensemble. L’humilité, parce qu’elle porte à la perfection la relation à Dieu ; et la douceur parce qu’elle porte à la perfection la relation au prochain. La pauvreté, c’est aussi ce qu’on expérimente sur la route, quand on est pèlerin. C’est le dépouillement des richesses qu’on accumule au fil du temps pour dévoiler plus d’authenticité, pour laisser apparaître la clarté de Dieu à travers nous, tel un rayon qui traverse un vitrail.

Quelles que soient nos richesses matérielles, spirituelles, humaines ou que sais-je, on peut tous refaire le point aujourd’hui sur cette exigence évangélique qu’est la pauvreté. Je vous propose de le faire à travers trois composantes qu’elle requiert.

  • La petitesse

C’est la pédagogie de Dieu dans toute la Bible. C’est le chemin de Dieu… Il choisit toujours ce qui est plus petit, ce qui ne brille pas à nos yeux. C’est comme ça qu’Israël a été choisi : « Si le Seigneur s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. » Dt 7,7. Dieu passe par ce qui est petit et sans éclat, justement pour montrer sa grandeur et sa clarté.

Il n’est donc pas étonnant qu’il dise à Sophonie : « Je laisserai chez toi un peuple pauvre et petit ; il prendra pour abri le nom du Seigneur. » Dieu choisit de revenir par la petite voie. C’est ce qu’expliquait Benoît XVI alors qu’il n’était encore que le cardinal Ratzinger. En parlant de notre occident postchrétien, il disait souvent que l’Église renaîtra d’un petit nombre, d’un petit troupeau qui aura la foi chevillée au corps. C’est la pédagogie divine, de passer par ce qui est modeste, ce qui est petit.

  • Le bonheur

Une traduction superficielle avait mis sur les lèvres de la Vierge Marie à Ste Bernadette : « Je ne vous promets pas le bonheur dans ce monde, mais dans l’autre. » La traduction a été revue avec plus de finesse : « Je ne vous promets pas le bonheur de ce monde. » Ce monde qui n’avait pas encore le confort du nôtre… Ce qu’on peut entendre par là, c’est que la superficialité et la recherche effrénée de facilités n’apporte pas le bonheur. En effet, c’est ce que Jésus nous dit à travers les Béatitudes. Le bonheur se retrouve dans l’authenticité des relations, dans la simplicité d’une vie qui se donne aux autres.

Les Béatitudes, au final, c’est ce qui rend heureux et paisible, profondément. Et curieusement, la joie, la paix, la bienveillance, etc., ce sont des fruits de l’ES. Une vie dans l’ES est donc une vie qui mène au bonheur. C’est une vie selon l’Évangile. Dans un autre passage de l’Évangile, « Jésus exulta de joie sous l’action de l’Esprit Saint, et il dit : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. » Lc 10,21 Oui, vraiment, la vie simple et pauvre dans l’ES ouvre au bonheur véritable, et permet même d’exulter de joie !

  • La folie

On pourrait dire la déraison. Justement, dans notre monde très rationnel, on recherche la sécurité en permanence, c’est une folie aux yeux de Dieu. C’est la parabole de l’homme riche dans laquelle « Dieu lui dit : “Tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ?” » Lc 12,20. Cette sécurité pousse à l’immobilisme. Alors qu’au contraire, c’est le déséquilibre qui permet de marcher, et même de courir. Quand on met un pied devant l’autre, on est déstabilisé. Il suffit de répéter ce mouvement audacieux pour pouvoir avancer.

« Ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi, pour couvrir de confusion les sages. » La folie dont parle St Paul, c’est autre chose, c’est celle qui est sagesse aux yeux de Dieu. C’est la liberté des enfants de Dieu qu’on est poussé à vivre à fond ! Qu’est-ce qui pousse tant de jeunes à partir un an ou plus pour faire le tour du monde, pour s’investir dans l’humanitaire, pour découvrir autre chose, alors qu’ils n’ont pas terminé leurs études, qu’ils ne cotisent même pas pour la retraite ? Qu’est-ce qui pousse certaines communautés à construire des monastères en France, là où d’autres ferment ? S’ils paraissent fous à nos yeux, c’est sans doute qu’on est encore de ce monde, et qu’on a passé trop peu de temps devant la crèche et la croix…

Conclusion

La pauvreté évangélique, c’est un bien grand trésor. Et comme c’est précieux, c’est coûteux ! On a besoin de l’apprivoiser progressivement et de la travailler sans cesse, elle fait partie du combat spirituel. À travers une multitude de petites choses du quotidien, on court toujours vers la sécurité et le confort. C’est ce qu’on pourrait appeler l’avarice. Est avare celui qui désire sans cesse ce qu’il n’a pas. Et l’avarice engendre la tristesse. Pourquoi désire-t-on toujours plus de compétences, d’argent, de repos, de charismes, d’écrans, de facilités, d’attention, de reconnaissance, d’assistances, etc. Elle n’est pas heureuse la vie avec ce qu’on a déjà ?

Néanmoins, dans l’Évangile, le Seigneur nous invite à lui demander deux choses qu’on n’a pas assez : la foi, et le pain quotidien. Bonne nouvelle, on est ici pour croire un peu plus et un peu mieux que notre vrai pain quotidien c’est l’Eucharistie !

Amen.

Lien vers l'article Aleteia sur Benoît XVI : https://fr.aleteia.org/2016/07/15/le-jour-ou-joseph-ratzinger-a-predit-lavenir-de-leglise/

Prière « Donnez-nous des fous »

Ô Dieu,
Donnez-nous des fous,
Qui s’engagent à fond,
Qui aiment autrement qu’en paroles,
Qui se donnent pour de vrai et jusqu’au bout.
Donnez-nous des fous,
Des déraisonnables,
Des passionnés,
Capables de sauter dans l’insécurité:
L’inconnu toujours plus béant de la pauvreté.
Donnez-nous des fous du présent,
Épris de vie simple, amants de la paix,
Purs de compromission, décidés à ne jamais trahir,
Méprisant leur propre vie,
Capables d’accepter n’importe quelle tâche,
De partir n’importe où :
A la fois libres et obéissants,
Spontanés et tenaces,
Doux et forts.
Dieu donnez-nous des fous.

Louis-Joseph Lebret,
« Appels au Seigneur »,
Éditions ouvrières/Éditions de l’Atelier, 1955
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