Article écrit en collaboration avec l’abbé Alexandre BROUILLET, bibliste spécialisé dans l’Ancien Testament, prêtre du diocèse de Tours, et professeur de grec ancien.
La Bible est le best-seller international, numéro un des ventes… Mais quand on y regarde de près, il en existe beaucoup de différentes ! Alors, comment choisir ?
La Bible se choisit sur plusieurs critères à bien prendre en considération, selon ce qu’on recherche :
- Le canon ;
- L’annotation ;
- Le type de traduction ;
- L’usage.
Le Canon
Le terme « canon » désigne, dans les traditions chrétiennes, la liste des livres reçus comme inspiré par Dieu. Le canon des Écritures est déterminé par l’usage de la communauté croyante qui nous le transmet comme témoin privilégié de la Parole de Dieu. Ainsi chaque confession chrétienne a déterminé les livres qui faisaient partie de la Révélation. Il y a donc un canon protestant, un canon catholique et un canon orthodoxe. Si les 27 livres qui composent le Nouveau Testament sont communs aux trois grandes confessions, le corpus de l’Ancien Testament est plus diversifié.
Le canon protestant adopte le principe de la veritas hebraica, prôné par saint Jérôme, et va donc recevoir le corpus juif de l’Ancien Testament, appelé aussi Bible hébraïque, qui contient 24 livres. C’est le cas dans l’édition Segond, Bible du Semeur, ou King James. Les catholiques et les orthodoxes, eux, vont se baser sur la traduction antique de l’Ancien Testament en grec, du IIème siècle avant Jésus-Christ, qu’ont bien connus saint Paul et les apôtres, que l’on appelle la Septante, qui contient 46 livres (voire plus pour certaines églises orthodoxes). Nous trouvons ce corpus dans la Bible de Jérusalem ou la Traduction Officielle de la Liturgie (TOL).
En 1975, la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB), fruit du travail entre traducteurs des trois grandes confessions chrétiennes, a permis de rassembler l’ensemble des livres inspirés de chaque communautés dans une seule et même édition.
L’annotation
La Bible étant un livre très dense, complexe, et constitué de nombreuses références, l’Eglise catholique a toujours insisté pour qu’on puisse avoir quelques « notes de bas de page » qui agrémentent la lecture et facilitent la compréhension des textes. On en distingue deux principaux :
- Les renvois vers d’autres passages bibliques ;
- Les commentaires de spécialistes (exégèse, exhortation, théologie…)
Le type de traduction
Les textes bibliques originaux sont écrits en grec et en hébreux. Il y a donc tout un travail de traduction pour les rendre accessibles. Saint Jérôme a été un des initiateurs qui a permis une traduction en latin, la langue commune de l’époque en occident. Depuis, la Bible a été traduite dans presque toutes les langues. Cependant, le choix n’est pas simple, car une traduction à la lettre est presque incompréhensible. Les traducteurs doivent donc faire des compromis pour redonner le sens de ce que les auteurs ont voulu dire à leur époque. Une traduction est donc limitée dans le temps, car d’une part elle évolue en fonction de la langue de destination ; et d’autre part, les recherches en sciences humaines et en archéologie permettent de mieux comprendre et interpréter le contexte de l’époque à laquelle les textes ont été écrits.
L’usage
La question déterminante pour le choix d’une édition par rapport à une autre est une interrogation personnelle : « Pourquoi posséder une Bible ? »
Si je peux tout faire avec n’importe quelle Bible, celles-ci ne sont cependant pas toutes optimisées pour chaque usages. Chaque éditeur a sa politique éditoriale c’est-à-dire qu’il décide en amont de faire une traduction dans un but précis.
Classons les usages possibles en trois groupes : la découverte ; l’étude ; la prière.
- La curiosité n’est pas un vilain défaut quand il s’agit d’aller à la découverte des textes bibliques. Beaucoup d’éditions ont été prévus dans ce sens : la Bible en Français Courant, ZeBible, La Bible de la Pléiade, la Bayard, La Bible des Peuples etc. Ces éditions sont accessibles pour découvrir le texte de façon simple et agréable.
- Toutefois l’accessibilité ne rend pas tout le temps suffisamment compte de la complexité de la langue originale. Ainsi pour approfondir sa connaissance de la Bible par une étude plus soutenue, il faut plutôt privilégier des éditions scientifiques, moins simple à lire mais plus précise, comme la Bible de Jérusalem, la TOB, Chouraqui, Osty … Parmi ces éditions scientifiques, on peut également citer les traductions interlinéaires où chaque ligne du texte hébreu ou grec est accompagné d’une traduction française. Et pour aller encore plus loin, apprendre les langues bibliques pour faire soi-même sa propre traduction est une manière d’entrer plus profondément dans la Bible.
- Enfin le Concile Vatican II rappelle : « la prière doit aller de pair avec la lecture de la Sainte Écriture, pour que s’établisse un dialogue entre Dieu et l’homme, car « nous lui parlons quand nous prions, mais nous l’écoutons quand nous lisons les oracles divins » ». Écouter la Parole de Dieu en lisant les Saintes Écritures est ce que la Tradition de l’Église appelle la lectio divina. Et parce que le lieu privilégié de la lectio divina est la liturgie de l’Église, les évêques catholiques francophones ont publié, en 2013, une Traduction Officielle de la Liturgie (TOL). Cette traduction, entendue durant les offices, a été voulue pour privilégier cet exercice spirituel que nous pouvons pratiquer en groupe ou seul. Nombreuses sont les méthodes de lectio divina transmises dans l’Église. Le pape Benoît XVI nous en donne une :
« L’attention la plus grande a été portée sur la lectio divina, qui « est capable d’ouvrir au fidèle le trésor de la Parole de Dieu, et de provoquer ainsi la rencontre avec le Christ, Parole divine vivante. ». Je voudrais rappeler brièvement ici ses étapes fondamentales : elle s’ouvre par la lecture (lectio) du texte qui provoque une question portant sur la connaissance authentique de son contenu : que dit en soi le texte biblique ? Sans cette étape, le texte risquerait de devenir seulement un prétexte pour ne jamais sortir de nos pensées. S’en suit la méditation (meditatio) qui pose la question suivante : que nous dit le texte biblique ? Ici, chacun personnellement, mais aussi en tant que réalité communautaire, doit se laisser toucher et remettre en question, car il ne s’agit pas de considérer des paroles prononcées dans le passé mais dans le présent. L’on arrive ainsi à la prière (oratio) qui suppose cette autre demande : que disons-nous au Seigneur en réponse à sa parole ? La prière comme requête, intercession, action de grâce et louange, est la première manière par laquelle la Parole nous transforme. Enfin, la lectio divina se termine par la contemplation (contemplatio), au cours de laquelle nous adoptons, comme don de Dieu, le même regard que Lui pour juger la réalité, et nous nous demandons : quelle conversion de l’esprit, du cœur et de la vie le Seigneur nous demande-t-il ? Saint Paul, dans la Lettre aux Romains affirme : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (12, 2). La contemplation, en effet, tend à créer en nous une vision sapientielle de la réalité, conforme à Dieu, et à former en nous « la pensée du Christ » (1 Co 2, 16). La Parole de Dieu se présente ici comme un critère de discernement : « elle est vivante, (…) énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur » (He 4, 12). Il est bon, ensuite, de rappeler que la lectio divina ne s’achève pas comme dynamique tant qu’elle ne débouche pas dans l’action (actio), qui porte l’existence croyante à se faire don pour les autres dans la charité. »
Benoit XVI

Plus de ressources…
Pour aller plus loin, voici quelques vidéos pertinentes d’amis prêtres avec qui j’étais au séminaire :