Chers amis,
Ce soir, c’est la fête des prêtres. Ce soir, Jésus institue conjointement l’Eucharistie et le sacerdoce. Ces deux grands mystères dépendent l’un de l’autre.
Alors pour l’occasion, j’aimerais vous livrer une petite réflexion sur le sacerdoce. Depuis quelques années, il y a une forme d’acharnement médiatique contre l’Église, et contre les prêtres en particulier. Et depuis que je suis moi-même prêtre, je le vis d’une manière différente, et peut-être plus directe et plus douloureuse… Bien sûr que les scandales doivent être jugés. Les affaires de mœurs, de détournements de biens et d’abus en tous genre, doivent trouver une issue dans les tribunaux. Et l’Église doit se remettre en question pour enrayer ces fléaux.
Mais la solution n’est pas une réponse facile. On m’a beaucoup dit, à l’extérieur de l’Église comme à l’intérieur : « Entre nous, Pierre… Si les prêtres avaient le droit de se marier, tu ne crois pas qu’il y aurait moins de problèmes ? » ; « Franchement, tu ne trouves pas que l’Église est arriérée, on ne pourrait pas vous laisser tranquille sur ce détail ? »
Toutes ces réflexions, ça fait mal ! C’est un peu l’effet des parents qui se dépensent beaucoup pour faire un super cadeau à leur jeune adolescent, et l’ado de leur dire que c’est « bof ». Grosse déception…
Avec un peu de recul et après réflexion approfondi avec des confrères et des amis prêtres, cette déception, on se la doit peut-être un peu à nous, prêtres. Quand est-ce qu’on montre que le célibat sacerdotal c’est quelque chose d’heureux ? que c’est un trésor inestimable ? Que c’est un cadeau que l’Église nous fait, et un cadeau qu’on fait à l’Église ? En fait, on est trop pudiques, on n’en parle jamais. On se cache derrière l’excuse qu’on n’aurait pas le temps pour avoir une vie de famille… ce qui est en partie vrai.
Alors, ce soir, j’aimerais vous renouveler ce cadeau de mon célibat, et vous dire toute la joie que ça me procure ! Le célibat sacerdotal, ce n’est pas une nécessité en soi, Jésus n’a pas dit « vous les prêtres, vous serez célibataires ! » Le célibat, c’est une question de convenance. Ça convient à un prêtre d’être célibataire pour avoir un cœur sans partage, un cœur tout donné au peuple de Dieu, et à travers lui, à Dieu.
Certes, on fait au moins 7 ans d’études, on est en-dessous du SMIC, on n’a pas la joie de chérir une épouse et de fonder une famille, on a la retraite à 75 ans… et encore, on est aux 3x35h/semaine… je vous accorde que ce n’est pas tout de suite vendeur sur la fiche technique !
Mais on est tellement gâtés ! On est présents à tous les moments importants de la vie des gens, on est dans les montagnes russes émotionnelles, en célébrant les naissances, les unions, les grands choix de vie, en accompagnant petit à petit vers des libérations, et aussi en accompagnant dans la souffrance, le drame, la maladie, et souvent la mort aussi… On a la place du pauvre et de l’invité d’honneur dans vos foyers, on passe notre temps à rencontrer des personnes exceptionnelles…
Notre cœur est déjà si petit pour vivre tout ça… Ce serait difficile de le couper en deux pour le partager avec quelqu’un d’autre. Vraiment !
Dans la vie religieuse, le célibat consacré a une dimension « sponsale » avec le Christ. On peut dire qu’une sœur est en quelque sorte mariée avec Jésus-Christ. Mais dans le sacerdoce, comme le prêtre est configuré au Christ, on peut dire qu’il a une dimension sponsale avec l’Église. Il épouse en quelque sorte le peuple de Dieu.
Donc mon souci quotidien, c’est vous, c’est vous tous. Mon cœur bat pour l’Église, pour le diocèse dans lequel je suis incardiné, pour la paroisse dans laquelle je suis envoyé…
J’ai la chance incroyable d’avoir une super place pour voir l’œuvre de Dieu dans vos vies, dans vos cœurs. C’est un peu comme avoir un billet VIP pour voir un match du TVB avec un verre de Vouvray à la main. Et c’est aussi parfois voir la maladie dans le cœur de l’homme, comme un chirurgien qui cherche la tumeur pour l’enlever et assainir l’organisme. D’où le lavement des pieds qu’on n’aura malheureusement pas ce soir. C’est un des plus beaux gestes. Se placer dans la condition de serviteur, laver les pieds de ceux qui vont entrer dans le sanctuaire.
Chers amis, ce soir je rends grâce à Dieu et à l’Église pour le célibat, ce cadeau inestimable que je j’ai reçu. Je rends grâce au Seigneur pour cette vie incroyable au quotidien dans le ministère sacerdotal. Je rends grâce aussi pour tous les prêtres qui m’ont donné envie de le devenir, tous ceux dont on ne parle pas, qui font du bien sans faire de bruit, tous ceux qui se dépensent sans compter, tous ceux qui vont célébrer l’institution de l’Eucharistie et du sacerdoce, tout seuls, ce soir.
Je rends grâce ce soir pour la communauté que nous formons, pour vous tous qui êtes ma préoccupation quotidienne, ma source d’inspiration et de joie. Je vous renouvelle et vous confie précieusement ce cadeau de mon célibat. C’est ce que j’ai de mieux à vous offrir.
Enfin, pour tous les jeunes qui se posent la question de la vie consacrée, qu’elle soit religieuse ou sacerdotale, je vous porte tout particulièrement ce soir dans l’Eucharistie à laquelle vous ne pouvez pas accéder. Je prie le Seigneur pour qu’il vous donne le courage nécessaire pour répondre généreusement à son appel, et pour qu’il place sur votre chemin les personnes qui sauront vous accompagner.
Bonne fête de l’Eucharistie et du sacerdoce à chacun !
Amen.