Chers frères et sœurs,
Bienvenu dans le dimanche de la tentation ! Ce premier dimanche de carême nous aide à prévoir un itinéraire en connaissant les embûches du chemin pour parvenir jusqu’à Pâques. C’est comme si on déroulait une carte sur la table et qu’on cherchait les lieux d’embuscades pour pouvoir se préparer à affronter l’ennemi qui se cache et nous prend par surprise.
Les tentations de Jésus au désert sont un peu le pendant de la première lecture. Là où l’homme et la femme échouent, Jésus sort vainqueur. Le récit de la Genèse nous montre que l’initiateur de la tentation est le diable qui apporte la confusion et transforme la Parole de Dieu. Ensuite, une fois que la conscience est à peu près anesthésiée, c’est l’homme qui « met la main dans le pot de confiture… »
On ne peut pas négocier avec le diable, il est trop malin, ce sera toujours lui le vainqueur. Il faut donc bien anticiper sa présence et repérer les lieux où il nous attend. Et dans le cas où on se retrouve face à face avec lui, il faut honorer le petit dicton « courage, fuyons ! »
Les trois lieux où il tente Jésus sont intéressants, ce sont des lieux qu’on fréquente régulièrement. Ils nous apprennent tous quelque chose sur le combat spirituel.
- Le désert
Le désert, c’est le lieu de l’expérience spirituelle. On s’isole du monde, on prend un moment à l’écart pour se retrouver dans un endroit où les communications avec Dieu ne seront pas perturbées. Le désert, ce sont ces petits moments de prière dans la journée, de promenade, d’isolement volontaire pour être avec soi-même ou pour être avec Dieu, ce sont aussi les efforts de carême, etc. C’est un environnement où on est disponible pour les expériences spirituelles fortes.
La tentation est donc sur la hiérarchie des valeurs entre les biens spirituels et les biens temporels. Les moments spirituels qu’on s’accorde, peuvent avoir un goût de bien-être et on peut vouloir les prolonger parce qu’on fuit le monde, même inconsciemment. Et dans un autre sens, si on n’arrive pas à se concentrer dans la prière, si on n’a plus de saveurs, si c’est l’aridité, on peut avoir tendance à fuir ces moments importants de désert.
La juste attitude, c’est donc de fixer des temps réguliers de prière ou de repos, de les préparer un peu avant pour savoir ce qu’on va y faire, et de s’imposer une durée. C’est la manière la plus concrète d’être raisonnable sur le temps qu’on s’accorde à soi-même ou qu’on accorde à Dieu.
- Le point haut
C’est le lieu où l’homme se déplace pour chercher une relation à la transcendance. L’homme va chercher Dieu en haut de la montagne. Et c’est ambivalent parce que la montagne, c’est aussi le lieu de l’idolâtrie, de l’orgueil où on cherche à acquérir la gloire.
Quand on a monté une bonne hauteur, on peut profiter du paysage et s’émerveiller de la beauté de la création… Mais on peut aussi se glorifier soi-même « Qu’est-ce que j’ai bien monté, qu’est-ce que je suis bon et puissant ! » L’ascension de la montagne peut donc se transformer en ascension de sa propre personne ou en un pèlerinage vers un veau d’or…
- Le Temple
C’est le lieu où Dieu vient rencontrer les hommes. C’est aussi le lieu de test de la prière. On cherche l’efficacité. Dieu est-il capable de m’exaucer ? Dieu est-il capable de me protéger ? Et on l’attend un peu au virage. Ou bien on n’a pas foi en son action directe. On se dit qu’il a une action simplement spirituelle, dans les cœurs…
Cette tentation au Temple, c’est l’occasion de nous interroger sur notre foi en la participation active de Dieu dans nos vies. C’est aussi l’occasion de s’interroger sur le rapport à la dévotion populaire : le culte des saints, les pèlerinages. Est-ce que c’est une pratique de grenouilles de bénitiers ? Est-ce que je recherche une action « magique » en fonction du saint auquel je me voue ? ou bien est-ce que je me fais réellement des amis au Ciel, des amis qui me montrent le visage de Dieu… ?
Conclusion
N’oublions pas que le but final, c’est de progresser dans la connaissance de Jésus-Christ et de nous ouvrir à sa lumière. C’était l’oraison d’ouverture qu’on appelle collecte : « Accorde-nous, Dieu tout-puissant, tout au long de ce carême, de progresser dans la connaissance de Jésus Christ et de nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle. Lui qui… »
Le démon a plusieurs pièges pour nous détourner de Dieu. D’abord, il veut faire croire qu’il n’existe pas. Après il joue à cache-cache, il veut faire croire qu’il est là où il n’est pas et qu’il n’est pas là où il est. Et quand on l’a trouvé, ou bien il essaye de faire peur, ou bien il essaye de subtilement ramener l’attention à lui pour qu’on joue à la chasse aux sorcières plutôt que d’avancer sur le chemin de la sainteté.
Soyons simplement conscients qu’il nous attend sur le chemin. Notre travail de chrétien est de l’éviter. Pour le reste, ne perdons pas de vue que l’objectif, c’est la relation à Jésus-Christ. Le carême permet d’éprouver l’aridité et la difficulté du chemin pour un retour plus intense à Dieu. Amen.